Dimanche 14 février 2021

« Quand un homme aura sur la peau une tumeur, on l’amènera au prêtre. Il portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se couvrira le visage et il criera : ‘Impur ! Impur’ ». Voilà comment aux temps anciens le peuple d’Israël traitait, comme il le pouvait, le risque de la contagion. Évoquer cela dans la liturgie, et entendre le beau récit évangélique de la purification du lépreux, voilà qui est bienvenu. D’autant qu’est tombée cette semaine la « journée mondiale des malades » : c’était jeudi dernier, 11 février, au jour de Notre-Dame de Lourdes. Depuis un an nous présentons à Dieu d’une façon redoublée, et notre fragilité devant la maladie, et notre supplication pour celles et ceux et celles qui souffrent de toutes sortes de maux, et aussi l’immense arsenal d’efforts que déploient nos sociétés, génération après génération, pour soigner et guérir.

Or voici comment, un certain jour, l’affaire s’est déroulée entre un lépreux et Jésus qui passait. J’observe que l’initiative est venue du lépreux ; c’est lui qui, enfreignant les interdits, s’est approché de Jésus, s’est jeté à ses pieds, et lui a dit : « Si tu le veux, tu peux ! » D’où lui vient une telle assurance ? Lui que l’on traitait comme un mort, il gardait vivante en lui une intime conviction : le drame qui m’affecte n’est pas dans l’ordre des choses, Dieu n’en veut pas. Espérance impossible, sûrement refoulée, mais devant Jésus elle s’est réveillée : cet homme Jésus porte en lui la bonté de Dieu, sûrement  « s’il le veut, il peut ».

Comment Jésus ne le voudrait-il pas ? On dit qu’il fut « saisi de compassion ». Notons cela : Jésus est comme attrapé par plus fort que lui. Lui qui a le pouvoir de guérir, de chasser les esprits mauvais, de ressusciter le morts, il n’a pas le pouvoir de se protéger de la souffrance humaine, ni du cri de cette souffrance. Il ne lui est pas possible de se mettre à l’abri de cette douleur. « Il fut saisi de compassion. » Saisi au point d’enfreindre à son tour toute prudence : « Il étendit la main, le toucha et lui dit : ‘Je le veux’ ». Ce « Je le veux » n’est pas un consentement du bout des lèvres, c’est toute la puissance du vouloir de Jésus. Il dit : « Tout mon désir est précisément celui-là, c’est pour cela que je suis venu : pour rejoindre ceux qui sont contagieux de mort, pour les toucher et les rendre à la vie ; pas seulement pour les « guérir » mais pour les « purifier », pour les rendre à leurs relations et qu’ils deviennent contagieux de vie. »

Voilà pourquoi Jésus est venu, parce que nous sommes (trop souvent) contagieux de mort et qu’il nous veut contagieux de vie. Et nous savons quel prix il voulut mettre pour cela : en prenant sur lui la malédiction. Le mot est brutal, il est de saint Paul, mais voyez ce qui se passe : le lépreux rentre parmi les siens, et Jésus, dit l’évangile, « ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l’écart, dans des endroits déserts ». Les rôles sont inversés. L’air de rien, cet épisode de la guérison du lépreux annonce toute l’œuvre du Christ, et déjà nous entrevoyons le terme, quand Jésus sera crucifié « hors de la ville ». Sur la croix il affichera notre lèpre et portera notre péché. Et Dieu son Père l’aura accompagné jusque-là et viendra l’y chercher, pour nous ramener tous à la vie ; avec Jésus – par lui, avec lui et en lui – nous accèderons enfin au salut, à la pleine santé d’une vie « purifiée ».

Mais le récit d’aujourd’hui n’est pas fini. Jésus a pris la place du lépreux dans les endroits déserts, or « de partout on venait à lui ». Voici que dans ce lieu d’exclusion où est éprouvé l’effondrement physique, l’effondrement social, où est éprouvée la séparation d’avec la famille, les amis, les compagnons de travail et même l’assemblée priante de la synagogue – voici que dans ce lieu les foules accourent vers Jésus. Le lieu de la lèpre, habité par Jésus, devient le lieu de la véritable assemblée. Le lieu de malédiction est devenu un lieu de bénédiction, c’est-à-dire un lieu choisi par Dieu pour y demeurer parmi les hommes.

Et c’est là le dernier mot de notre évangile. Le dernier mot n’est pas à un monde sans fragilité ni épreuves. La pureté évangélique, la pleine santé d’un homme et d’un peuple, le « salut du monde », ce n’est pas d’être épargné par la fragilité et la maladie. Mais c’est de s’y comporter comme Jésus et le lépreux d’aujourd’hui, d’affronter la fragilité en s’approchant les uns des autres et en se laissant approcher par Jésus. Personnes malades, personnes qui souffrent de solitude, personnes âgées qui voient les amitiés disparaître et les liens se distendre, le lieu que vous habitez, nous devons vous y rejoindre. Jésus y est chez lui, et tout ce qu’il y a en nous de meilleur aspire à le rejoindre auprès de vous.

C’est là, avec vous, sans vous lâcher mais au contraire en vous tendant la main, c’est là qu’ensemble nous inventerons un monde évangélique qui viendra à bout, peu à peu, des souffrances humaines et de toutes maladies.

P. Miguel Roland-Gosselin

Prière Universelle

  • « Je le veux, sois purifié. » Seigneur, tu voulais la santé du lépreux, et nous te confions les malades – hommes, femmes et enfants –, tous ceux dont la santé est fragile et la vie menacée. Confiants en ta bonté, nous nous en remettons à toi pour leur guérison. Soutiens également l’ardeur des soignants, et de tous ceux qui assistent les personnes malades. Nous t’en prions.
  • « Il restait à l’écart, dans des endroits déserts. » Seigneur, tu as pris sur toi la solitude des exclus et le malheur des personnes isolées. Vois tous ceux qui souffrent aujourd’hui d’être marginalisés, ou négligés, ou trop oubliés. Pour leur consolation, réveille notre attention et notre charité. Nous t’en prions.
  • « Va te montrer au prêtre ; ce sera pour les gens un témoignage.» Seigneur, en ces temps de débat sur la place des religions dans la société, nous t’en prions : veille à ce que toutes les religions donnent un beau témoignage d’humanité et apportent une heureuse contribution à la vie citoyenne. Aide particulièrement l’Église à prendre sa part dans la vie publique, d’une façon crédible et convaincante. Nous t’en prions.

Et en ce dimanche de la Saint Valentin, nous nous joignons à la tradition populaire et prions pour les couples unis par un lien d’amour. Jeunes couples débutants, couples plus mûrs ou déjà âgés : tous, nous les présentons à Dieu. Nous lui rendons grâce pour la beauté du mystère de l’amour. Nous lui rendons grâce pour le sacrement du mariage. Nous lui confions des visages amis, et pour eux nous prions.