Nativité du Seigneur – Messe de Jour de Noël
Dimanche 25 décembre 2022
Hier dans la nuit, la liturgie proposait de contempler un nouveau-né, un tout petit, entouré de sa mère et de son père, venu au monde quasiment au bord de la route, dans la grande précarité, avec comme entourage des bergers de Bethléem, des gens qui faisaient un peu peur car ils étaient tout le temps dans les montagnes avec leurs bêtes. Mais tout était porté par cette grande joie du ciel qui éclatait en chants de louange du chœur des anges.
Aujourd’hui, la liturgie nous fait entrer dans quelque chose de plus réfléchi à propos de la naissance de Jésus, une méditation qui répond à la question : que s’est-il passé cette nuit-là ? qu’est-ce qui est en jeu à travers la Nativité ? Et ce n’est pas qu’une question intellectuelle, car derrière cela, il y a une autre question : qu’est-ce que ça nous fait, à nous, la naissance de Jésus ?
Pour répondre à cette question, l’évangéliste Jean parle tout d’abord du Verbe de Dieu. Il nous dit : « par lui, tout est venu à l’existence et rien ne s’est fait sans lui ; il ajoute : en lui était la vie. Et il dit encore : le Verbe était la vraie lumière qui éclaire tout homme ».
Cela veut dire que notre vie, le simple fait d’être vivant, de respirer, de bouger, de grandir, d’agir, de chercher du sens, toute cette vie est portée par le Verbe de Dieu, elle nous donne à percevoir quelque chose du Verbe de Dieu, quelque chose de Dieu.
Cela veut dire que tout être vivant peut percevoir quelque chose de Dieu. Dieu se donne à connaître à travers la vie qu’il nous communique.
Mais vous voyez, cela amène une question : si l’on peut connaître Dieu ainsi, à travers cette vie qu’il nous donne, pourquoi la venue de Jésus ? Pourquoi cette naissance ? Qu’apporte-t-elle de plus ?
Eh bien on pourrait répondre à partir du texte qu’on vient de lire : parce qu’il voulait « venir chez lui ». L’humanité, le peuple d’Israël, ce sont les siens, c’est sa famille. Il veut venir dans sa famille ; de même qu’aux fêtes de Noël, on aime retrouver sa famille, le Verbe a voulu aller chez les siens. Il voulait pouvoir nous serrer dans ses bras, il voulait pouvoir nous parler, marcher à nos côtés, retrouver l’humanité aussi bien dans ses joies que dans ses souffrances. Cela ne suffisait pas à Dieu que d’être présent à nous à travers le don de la vie, il voulait pouvoir nous prendre dans ses bras.
Et puis, il voulait aussi que nous puissions nous aussi le prendre dans nos bras. Comme on est capable de le faire pour un tout petit.
Ce que nous fêtons à Noël, c’est un Dieu qui veut nous retrouver, comme on veut retrouver ses enfants, ses proches et qu’on éprouve le besoin d’être avec eux, pour se réjouir de cette présence. C’est un Dieu un peu fou, qui se fait tout petit, afin de pouvoir nous rejoindre le plus simplement du monde. Voilà l’invitation que nous lance Noël : Dieu vient pour ces retrouvailles en chair et en os. Et ces retrouvailles ne sont pas ponctuelles : ce qu’il nous annonce c’est que nous sommes destinés à le rejoindre, à faire vraiment partie de la famille de Dieu, et c’est pour cela qu’il nous appelle « enfants de Dieu ».
Mais le texte que nous avons entendu comporte aussi une énorme surprise : « les siens ne l’ont pas reçu ». Toute la suite de l’Évangile de Jean devra raconter cela : comment se fait-il, chose incroyable, que Dieu ne soit pas reconnu quand il vient ?
Une toute première réponse nous est donnée, justement grâce à la contemplation de la Nativité : ce Dieu ne correspond pas du tout aux images qu’on se fait de lui. Quand il vient, c’est d’abord un tout petit ; qui dort, qui a faim, qui pleure ; dont on doit prendre soin. Dieu a voulu passer par là pour nous rejoindre, dans ce qu’il y a de plus simple et de plus vrai en nous. Et nous, bah ça ne nous a pas plu. On attendait sans doute plus d’effets spéciaux, plus de mise en scène, plus de puissance, plus de spots, plus de paillettes. Là : rien du tout de tout cela. Seulement des anges qui chantent, avec comme seuls témoins, des bergers, des gens pas fiables pour un sou.
La fête de Noël nous replace devant une question : quel Dieu tu attends ? sur quel Dieu tu comptes ? Quel Dieu tu espères ? Le Dieu qui vient en Jésus Christ cherche tout simplement à te rencontrer, toi, comme homme, comme femme, comme enfant, comme un proche cherche à retrouver les siens. Voilà ce qui nous est donné, voilà ce que la fête de la Nativité nous rappelle.
Etienne Grieu sj