Homélie Jeudi de l’Ascension Année B

« Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le Ciel ? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel ». Ces paroles tenues par les deux hommes en vêtement blanc me font réfléchir sur cette présence du Christ dans ce temps long qui s’est ouvert pour les apôtres et qui s’ouvre à nous encore aujourd’hui. Car ce don de la présence, comment est-il reçu ? Il n’est reçu que dans la bénédiction, et la bénédiction -bien dire/dire du bien- est tout autre chose qu’un formulaire sacré prononcé selon les circonstances : bénédiction d’une maison, bénédiction des alliances. La bénédiction, c’est cette reconnaissance qui ouvre le cœur de l’homme, avec pleine gratitude, au don qui lui est fait.

On sait, d’après ce que nous rapporte St Luc, que les apôtres retournèrent à Jérusalem remplis de joie, juste après que le Seigneur soit enlevé, et qu’ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu. Oui, ils bénissaient Dieu ! Ainsi donc, il revient aux apôtres de réussir là où leurs frères ont échoué. Il leur revient d’accomplir la vérité de cette bénédiction que la jalousie et le mensonge avaient travestie et falsifiée. Et cet accomplissement de la vérité se fera par la parole qu’ils proclameront et se manifestera par les signes qui accompagneront celles et ceux qui deviendront croyants : « En mon nom, dit Jésus, les démons pourront être expulsés, prendre un serpent et boire un poison ne sera pas dangereux ; les malades à qui on imposera les mains s’en trouveront bien ».

Reconnaître ce don de la présence du Seigneur qui n’est plus visible… parce qu’elle est intérieure, c’est à l’évidence, décliner tout tentative de s’en emparer car le don des grâces n’est pas de l’ordre de ce qui s’échange, de ce qui se marchande. Il ne peut être que reçu ou refusé.

Ainsi, ce don de la présence du Seigneur est-il donné mais ce don échappe à celui qui voudrait se l’approprier comme son bien propre. Ce qui se donne, ce qui se présente, c’est- pourrait-on dire- une nouvelle absence.

Et ce n’est pas faux de qualifier cette absence de « nouvelle » car ce n’est plus l’absence de la mort ni du trépas. Jésus est ressuscité et la mort est surmontée assurément et pourtant, c’est une absence. La mort est donc encore là mais autrement, sans tristesse, comme ce qui impose cette distance de l’absence. Ainsi les apôtres se sont trouvés placés dans cet état -et chacun de nous après eux-, à savoir entre la mort dépassée par la Résurrection et la mort encore à traverser, comme épreuve de l’absence.

A l’évidence, puisque la mort est surmontée, il n’y a plus chagrin ou affliction. Il y a joie au cœur des disciples -ceux d’Emmaüs comme ceux qui sont retournés à Jérusalem, dans le Temple. Mais cette joie n’est pas de l’ordre d’une allégresse, ni d’une exultation puisqu’il y a absence. Ou pour dire les choses autrement, puisqu’il y absence pour les sens -on ne voit plus, on n’entend plus Jésus nous parler- il y a présence pour le cœur désormais brûlant et capable d’aimer ; il y a présence pour l’esprit désormais intelligent et capable de comprendre les Ecritures, ce livre de la présence de Dieu.

Dans cette nouvelle absence qui comble les Apôtres sans leur apporter repos et quiétude, le Christ est présent en eux. Et c’est en eux -et donc en nous-, désormais, que le Christ bénit son Père pour le monde.

 

P. Marxer, sj