25ème Dimanche du temps ordinaire – Année C ( Lc,16,10-13)
HOMELIE
Cet évangile on le connait mais il est difficile : en effet, on est habitué à reconnaître dans les histoires de Jésus, ceux qui suivent l’Esprit et ceux qui ne le suivent pas, ceux qui font le bien et ceux qui font le mal. Ici, le problème est que le héros est celui qui a dilapidé un argent qui ne lui appartient pas, et qui triche et qui est paresseux, sans vergogne et Jésus fait son éloge ! Allez donc comprendre quelque chose ? On dit que c’est le maître qui fait son éloge mais non. Jésus lui-même enfonce le clou en recommandant à ses disciples : « Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête ; les fils de ce monde sont plus avisés que vous autres, qui se disent fils de la lumière ».
Nous allons donc nous attaquer à cette parabole, tout d’abord en regardant les coutumes du temps de Jésus, le contexte, puis nous ferons un gros plan sur la manœuvre de l’intendant. Enfin nous essaierons de voir ce que nous pouvons en tirer pour aujourd’hui, notamment dans notre rapport à l’argent.
Tout d’abord, une note historique. Souvent dans les paraboles on nous parle d’un grand domaine où le maître du domaine est absent-il est en voyage- et il remet la gestion de ce domaine à son intendant, son régisseur. Et souvent, le maître débarque à l’improviste et la vérité se fait. Il y avait à l’époque de Jésus, dans tout le bassin méditerranéen, de grandes propriétés, des villas romaines. Le maître vivait dans la diaspora (Alexandrie ou Athènes) et il plaçait donc un régisseur. La plupart du temps, cet intendant n’était pas payé, et il devait prendre une commission, souvent confortable, dans les tractations du domaine. Dans ce type de parabole, il y a un langage codé : le domaine, c’est la création ; l’intendant, c’est nous, le maître absent, c’est Dieu qu’on ne voit pas mais qui reviendra à la fin des temps, à la fin de notre temps. Ce jour-là, il nous dira : qu’as-tu fait de mon domaine ? Qu’as-tu fait de la création que je t’avais confiée ? C’est, entre parenthèse, la question écologique dont nous prenons si lentement conscience.
Ici dans la parabole, quand le maître revient, il renvoie l’intendant car il n’est pas honnête. C’est alors un passage savoureux où une fois encore, Jésus est plein d’humour. : on entend l’intendant réfléchir, dans sa conscience, ou ce qu’il en reste : je suis incapable d’attraper le manche d’une pioche, je suis trop fier pour mendier, mais j’ai une idée : je vais rouler à la fois mon maître et ses clients !
Cet intendant crapuleux a une qualité : il est habile, il agit dans la précipitation, mais avec réflexion. L’ancienne traduction disait : il est avisé ; le dictionnaire Robert explique : aviser, c’est agir à propos et intelligence, après avoir mûrement réfléchi. Ici, il le fait dans l’urgence car le temps presse, il joue son avenir, et deuxième partie : faisons un focus sur sa manière de procéder :
Il prenait une grosse commission, il va la faire disparaître comme si la leur donnait en cadeau. « Tu avais pris 100 barils d’huile. Normalement, je t’en aurais demandé le prix de 120 pour prendre 20 barils de commission. Et en fait je t’en demande aujourd’hui le prix de 50 (J’en perds 20, mon maître en perd 50 !) mais tu vas être tellement enchanté que je vais devenir ton ami pour toujours! » Notre intendant fait le sacrifice de ses intérêts immédiats car en homme avisé, il pense à ses intérêts à long terme. Il a su retourner une situation, ses ennemis vont devenir ses amis car très certainement, se dit il , ils vont plus tard me rendre l’ascenseur. Cette parabole est pleine de saveurs car non seulement le maître s’est fait flouer, et il perd encore de l’argent, mais il est tellement soufflé par l’intelligence de son employé (qu’il met pourtant dehors), qu’il fait quand même son éloge !
Cet éloge est vraiment le coup de tonnerre de la parabole. Car en le renvoyant, il aurait dû redoubler de colère. Mais ilil l’admnire, il fait son éloge. Souvent, la parabole dans l’Evangile est construite comme un récit ordinaire jusqu’au moment où élément de surprise vient perturber l’intrigue et c’est dans cette rupture que se cache le message de Jésus. Le choc annonce la nouveauté radicale de l’Évangile. Jésus veut provoquer un choc car il désire la conversion de ses auditeurs. La leçon est simple d’une certaine manière : si les fils de lumière pouvaient avoir un souci aussi vif de leur salut, ils utiliseraient au maximum leur vie terrestre pour s’assurer de leur accueil futur dans le royaume de Dieu. Vous êtes des intendants, des biens vous sont confiés, tant mieux mais, ces biens vous serons repris au moment du grand passage. Comme dit la sagesse populaire, « on n’a jamais vu un coffre-fort attaché à un corbillard ». Ces biens n’auront qu’un temps. Mettez-les à profit, soyez habiles pour vous faire des amis qui vous accueilleront dans l’autre monde. Ces amis, ce sont les pauvres. Les biens vous sont confiés et que vous avez fait fructifiés, ils sont uniquement destinés à servir la fraternité et pas seulement votre famille. Si nos biens ne servent pas à cela, nous sommes en danger. L’argent est un bon serviteur mais il peut devenir un mauvais maître, car l’argent quand il est recherché pour lui-même possède ceux qui le possèdent. Il est même impossible d’amasser de l’argent pour lui-même, sans manquer de confiance envers le Père des cieux et sans faire du mal à nos frères.
Dans notre assemblée, certains sont à l’aise financièrement (et c’est tant mieux). D’autres sont plus justes financièrement. Quelle que soit notre manière de nous situer par rapport à ce texte, que cette parabole à la fois savoureuse et vigoureuse de Jésus, inspire nos choix à venir, vous et moi AMEN
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Prière universelle du 25e dimanche du temps ordinaire année c
(Célébrant) Seigneur, nous te confions une fois encore notre monde, sa conversion et notre conversion, sûrs que tu es là et que souhaites exaucer la prière de notre assemblée.
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Seigneur, tu es comme ce maître de la parabole qui demande des comptes à son intendant : qu’as-tu fait de mon domaine? Toi l’homme de la modernité, qu’as-tu fait de ma création ? Que cette question du maître transforme notre quotidien, comme notre idéal de vie. En ce mois de la création, nous te prions Seigneur
Aujourd’hui, l’argent est devenu virtuel. Des sommes colossales circulent, des dettes faramineuses s’accumulent. Nous te confions Seigneur notre société, tous nos frères et sœurs qui du fait de l’inflation, commencent à manquer du nécessaire. Envoie quelques-uns de tes disciples aux commandes des décisions économiques et politiques, nous te prions Seigneur.
Seigneur, aide-nous à nous faire des amis avec le malhonnête argent. Apprends-nous à être à la fois raisonnables et généreux, afin que notre argent serve essentiellement la fraternité. Que cet argent ne pervertise jamais notre confiance en Dieu et en nos frères, spécialement lorsqu’arrive dans nos familles le temps des successions, des héritages, nous te prions Seigneur.
(Célébrant) Seigneur dans un instant , l’argent va se manifester dans notre liturgie, argent liquide ou argent virtuel. Qu’il soit le signe de l’offrande intérieure de notre travail et du partage fraternel, associés à l’offrande de Jésus notre frère et notre Dieu, vivant en cette eucharistie, pour les siècles des siècles.