Homélie du 16 juin – 11e dimanche du temps ordinaire

 

Évangile

« C’est la plus petite de toutes les semences, mais quand elle grandit, elle dépasse toutes les plantes potagères » (Mc 4, 26-34)

 

Les textes de ce dimanche empruntent presque tous, trois sur quatre, leurs images au monde végétal. Dans la première lecture, Dieu est un jardinier habile mais un peu radical en ce sens que s’il bouture un jeune plant objet de tous ses soins, il n’hésite pas à abattre des arbres vigoureux pour laisser croître celui qu’il a choisi. Dans le psaume, il est également question d’arbres, de palmiers précisément, mais ces palmiers chargés de fruits sont cette fois l’image des hommes justes dont la vitalité et la fécondité proviennent et témoignent de la qualité de leur relation avec Dieu, maitre de la vie et de la croissance. L’Epitre de Paul, elle, n’emprunte pas à l’univers végétal. Quant à l’Evangile, ses deux paraboles, aussi courtes que bien connues, recourent à l’image du végétal, en fait à celle de la croissance du végétal, pour caractériser le Règne de Dieu, cette réalité mystérieuse que Jésus annonce. Comme dans la première lecture, celui qui est à la manœuvre, le cultivateur de la première parabole, le jardinier de la seconde semble bien être Dieu lui-même. Dieu qui ensemence son champ d’une plante, le blé dans la première parabole, la moutarde dans la seconde, que Jésus associe à la réalité mystérieuse du Règne de Dieu. Un Règne dont la croissance semble autonome dans la première parabole, un Règne d’abord discret, comme la tige de la prophétie d’Ezéchiel, mais doté dans la seconde d’une énergie de croissance étonnante, puisque de la toute petite graine sort un grand arbre dans les branches duquel les oiseaux du ciel viennent nicher.

Ces textes nous disent tous que si le monde est un jardin, ou un champ, Dieu est le jardinier, et un bon, un très bon jardinier. Toute la tradition biblique, en cela reprise par Jésus, révèle un Dieu agissant, un Dieu qui intervient, discrètement le plus souvent, vigoureusement parfois dans le monde, mais jamais un Dieu indifférent au sort du jardin qu’il a créé et dont il prend soin.

Ces textes nous disent aussi que l’œuvre de Dieu, jardinier de notre monde, jardinier de notre cœur, est une œuvre de croissance et de fécondité. L’agir de Dieu, du Dieu vivant se déploie dans le temps, et c’est toujours un agir de croissance et de fécondité. Dieu veut ses enfants, Dieu nous veut vivants et féconds, à plein pas à moitié : il est la source et l’agent de cette fécondité à laquelle nous aspirons tous.

 

 

 

Mais avec les Pères, je crois que nous pouvons aller plus loin pour recevoir ces textes. Certes les images sont belles, et simples à la fois, elles nous disent quelque chose du mode propre, discret mais puissamment efficace de l’agir de Dieu dans notre monde, dans notre cœur. Mais on est en droit, comme le font les Pères de les accueillir à la lumière du Mystère de la mort et de la résurrection du Christ dont nous savons, par Jésus lui-même, qu’il est la clef d’interprétation de toute l’Ecriture. On peut alors envisager le grain enfoui, grain de blé ou graine de moutarde, comme le corps du Christ jeté en terre. Jésus lui-même nous y autorise et nous y invite quand il dit : Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Ce grain jeté en terre, ce corps livré, enfoui ressuscitera et donnera beaucoup de fruit. Il donnera, il fructifiera dans ce grand Corps des disciples de Celui qui, morts avec lui par le baptême vivent de sa résurrection, le corps immense des baptisés, bien plus ample et vigoureux que la moutarde de l’Evangile, un arbuste, un grand corps qui rassemble désormais des hommes de toutes nations, langues et cultures….en un seul corps. On est donc en droit, depuis Pâques, d’envisager notre monde, mais aussi notre cœur et notre corps comme ce jardin ensemencé par Dieu de la vie plus forte que la mort jaillie du tombeau au matin de Pâques. Depuis Pâques, notre monde dont Paul dit qu’il gémit, qu’il passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore, notre monde est travaillé de l’intérieur par cette dynamique de vie que la Pâque du Christ a ensemencée en son sein. Cette semence de vie, cette puissance de vie, de transformation qui le travaille de l’intérieur, c’est précisément ce que Jésus désigne quand il évoque le Règne de Dieu.

Au jour béni de notre baptême, en étant plongés dans la mort et la résurrection du Christ, nous avons été en quelque sorte inoculés par la vie plus forte que la mort, par l’espérance plus forte que nos échecs, par une lumière capable de donner sens à nos clairs obscurs. En communiant dans quelques instants au corps livré et au sang versé du Christ mort et ressuscité, nous nous nourrirons de cette même puissance de vie, nous entrerons plus profondément dans la dynamique de croissance de ce grand Corps dont le Christ et la tête et dont nous sommes les membres. Car ne nous leurrons pas, quand nous communions nous sommes au moins autant reçus dans le corps du Christ que nous le recevons.