Nuit de Noël 2024 à Saint Ignace – L’appel de la crèche

 

Nous avons tous de belles crèches dans nos maison ; il y en a même une avec des personnages imposants dans cette église, mais saurons-nous accueillir le chant de cette nuit au plus profond de nos vies, « Gloire à Dieu dans le ciel et paix sur la terre aux hommes qu’il aime » ? Entendrons-nous l’appel de la crèche ?

Le récit de Luc montre à la fois la simplicité de la naissance dans un lieu quelconque, et le ciel qui s’anime, grandiose, avec les anges, signes de présence divine. Depuis longtemps, les prophètes l’annonçaient, comme Isaïe : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ». Maintenant la parole se réalise : « Aujourd’hui dans la ville de David vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur ». Voilà la Bonne Nouvelle, annoncée d’abord à des bergers, population un peu en marge de la société de Palestine, simple, mais soudain enveloppée de lumière ; ils sont en bonne place dans le récit de Luc ; et ils nous font signe parce que la vocation du berger est de rassembler et de prendre soin. Comme Jésus, berger de toute humanité.

Cette grande lumière, si longtemps attendue, il a été donné de la voir il y a deux mille ans à quelques témoins ; puis elle n’a cessé d’éclairer les siècles ; « les ténèbres ne l’ont pas arrêtée » (Jn1,5) ; elle nous rejoint à chaque instant, pour traverser la peine et la joie ; elle a un visage ; nous avons un Seigneur avec nous ; et cela change tout. Cela change tout, de savoir que nous ne sommes pas seuls, que nous sommes aimés, accompagnés, attendus.

Un sauveur nous est né ; bien sûr, nous pouvons être déconcertés par cette manière qu’a Dieu de nous rejoindre. Pourquoi tant de fragilité alors qu’une révélation dans la puissance serait tellement plus visible et convaincante, pensons-nous ? Oui, Dieu est ainsi, il vient de cette manière-là pour nous apprendre à vivre d’un esprit nouveau. C’est l’appel de la crèche. Mais cet enfant ne va pas rester dans sa crèche ; il va grandir, devenir l’homme qui apporte la vraie lumière à la terre, celui qui annonce un avenir de grande paix, faisant déjà le bien partout ; il mourra sur une croix comme un esclave puis ressuscitera, reviendra dans la gloire, dans la lumière qui ne s’éteint pas. A la mesure où nous le suivrons, nous grandirons nous aussi ; notre vie deviendra plus libre, plus généreuse, plus patiente, plus douce et plus sainte comme la nuit que nous chantons ; elle deviendra plus aimante. Et alors, c’est notre terre tout entière qui deviendra aussi plus douce et plus sainte, plus hospitalière aux uns et aux autres, plus accueillante à Marie et à Joseph qui ne cessent encore aujourd’hui de frapper à la porte de nos maisons.

Oh bien sûr, il peut être inconscient de parler de douceur lorsque chaque page de notre actualité multiplie catastrophes, menaces et impasses de tout genre partout sur la terre, y compris et d’abord sur cette partie de la terre que l’on appelle « sainte ». Quel échec pensons-nous peut-être ! Mais si Noël n’est pas la charmante contemplation d’une bien jolie crèche, si Noël est une naissance, un commencement, il y a à urgence à tracer toujours le chemin qui aplanit ravins et collines, comme nous y invitait depuis longtemps le prophète Isaïe. L’année sainte, année de grâce qui commence ce soir nous appelle précisément à être des « Pèlerins de l’espérance ». Nous serons toujours tentés de désespérer du monde, de l’Église, des autres, et de nous en particulier. Mais la désespérance c’est le péché même, le contraire de la foi. Désespérer, c’est ne pas adorer l’enfant de la crèche, et passer à côté de son infinie promesse.

Écoutons bien l’appel de la crèche. Ce qui nous est annoncé en cette fête, ce sont des exigences fortes. Nous en sommes témoins ; nous avons à les vivre, à les transmettre. A les transmettre par les voies de Dieu en sa venue, faites de patience en toute relation, d’attention à chacun, de présence à ce qui advient. Dieu ne s’impose pas au monde ; il le rejoint à sa manière. Nous n’imposerons pas notre foi au monde ; nous le rejoindrons seulement avec cette puissance de Jésus qui a pour nom « les béatitudes ».

Alors soyons toujours davantage au cours de cette année « pèlerins de l’espérance ». Oui, un enfant nous est né, un fils nous est donné. Douceur de cette nuit, sainteté de cette nuit qui voit se lever une grande lumière. Avec Marie et Joseph, avec les anges et les bergers, avec tous les croyants et tous les hommes de bonne volonté, soyons dans la joie et chantons Noël ; écoutons l’appel de la crèche : notre monde n’est plus seul ; une route lui est tracée ; elle est la route de la vie ; qu’elle soit notre route à chacun. Mais, prenons-la ensemble !

Henri Laux, sj