Bien comprendre la fête du Christ-Roi

Dimanche 21 novembre 2021

Un mot sur cette fête du Christ-Roi. Vous vous rappelez peut-être que cette fête est relativement récente dans le calendrier. Elle a été instaurée par le Pape Pie XI en 1925, pour contrer les idéologies du moment, le laïcisme, le stalinisme et l’hydre du nazisme qui commençait tout juste à émerger. Pour faire bref, ces 3 idéologies voulaient enfermer le Christ dans les placards des sacristies. Deux ans après, en 1927 au Mexique, mourait sous les balles le Père jésuite Miguel Pro. Juste avant de décéder, devant le peloton d’exécution, il cria « Viva el Christo Rey ! », Vive le Christ-Roi ! A cette époque, certains voulaient que cette fête soit une fête triomphante, voire triomphaliste. En fait, le Père Miguel nous rappelait que cette fête était avant tout celle de la foi exposée. Pour fêter la royauté de Jésus, on ouvre le livre des Évangiles à la page où Il semble le plus faible, au moment de Sa Passion. Sa royauté est une royauté d’amour et de vérité.

Au moment de préparer ce petit mot, cette fête m’a rappelé deux souvenirs. Le premier, il y a quelques années, c’était une heure de catéchèse avec des sixièmes, dans l’ouest de la France, justement autour de la fête du Christ-Roi. J’avais posé la question aux enfants: pourquoi dit-on que Jésus est roi ? Une main s’était levée, un jeune garçon avait dit « à cause de la pancarte ! ». Sur le moment, je n’ai pas trop compris. « Hé oui, la pancarte! » On lui avait appris en effet que l’inscription INRI, au-dessus de la croix, voulait dire « Iesus Nazarene Rex Iudaeorum -Jésus roi des Juifs ». Il avait bien retenu cela et nous situait tout de suite dans le sujet. Avec le groupe, on a alors essayé de voir ensemble à quel point Jésus était faible sur la croix, et comment aussi Il était très puissant. Je vous rapporte de mémoire quelques expressions. Certains ont dit : « Oui, il aurait pu lancer un défi à ses tortionnaires. Leur dire : à vous mon Père ne vous pardonnera jamais, malheur à vous ! Ou encore il aurait pu crier à Ses disciples de se soulever ». Un élève a dit : « il y avait toutes ces foules quelques jours avant aux Rameaux. Ils auraient pu faire quelque chose pour Jésus, et Jésus de fait, a choisi de rester tout seul. » D’ailleurs, Jésus le dit à Pilate : «J’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs». C’est une autre royauté. Et puis l’un d’entre eux a dit (je me rappellerai toujours) : « Dieu aurait pu faire un miracle, et notamment, il aurait pu ressusciter son Fils, quelques dizaines de minutes après Sa mort, car tout le monde était là, cela aurait été beaucoup plus efficace. » Et non ! Les gens n’ont pas vu la résurrection et ne se sont pas convertis. Il y a vraiment un mystère de la faiblesse du Christ, du silence. Dieu s’est tu jusqu’au 3ème jour, où Il s’est manifesté là aussi, dans la plus grande discrétion. Quand Jésus parle à Pilate, il se tait souvent. Et on le voit quand Il parle, Il refuse d’utiliser Sa puissance à Son propre avantage. Nous sommes face, en cette fête, devant l’immense humilité de Dieu, mais aussi, comme nous l’ont rappelé ces élèves de sixième, devant Sa puissance infinie qui s’exprime dans la façon dont il se retient. Ces enfants de 6ème, je crois, rejoignaient l’intuition de certains mystiques qui ont expérimenté en contemplant la croix, la toute-puissance, la royauté de Jésus.

Mon deuxième souvenir est une prédication du Père Jerzy Popieluszko. Sans doute vous rappelez-vous, c’était dans les années 80, au moment de l’état de siège en Pologne. Ce prêtre, tout seul, quasiment tout seul, parlait tout haut, dans une église de Varsovie, toujours bondée. Il prêchait, quelques jours avant son martyre épouvantable par les services secrets de l’état polonais. Il prêchait justement sur la parole de Jésus, seul devant Pilate, affirmant sans peur : « Je viens pour témoigner de la vérité ». Et il disait ceci : «  La vérité unit et relie les gens. Il suffit de peu de gens parlant en vérité. Seuls les mots mensongers doivent être nombreux car le mensonge est détaillé et se monnaye. Il se débite comme de la marchandise sur les rayons (NB : Vous vous rappelez ces épiceries avec ces files de personnes, et ces quelques nourritures qui partaient tout de suite). Oui les mots mensongers doivent être constamment renouvelés. Pour maîtriser la technique du mensonge, il faut des hommes en quantité. Or, il suffit de quelques-uns pour proclamer la vérité. Il suffit d’un petit groupe de gens qui luttent  pour faire rayonner la vérité. Les gens, alors, se retrouveront eux-mêmes et viendront de loin pour écouter les paroles de vérité. »

Qu’est-ce que la vérité ? C’est le réel du réel. Quand Jésus dit devant Pilate, alors qu’il est complètement seul, complètement démuni : « Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. » On décèle alors l’immense espérance de Jésus : de toute façon, quelle que soit l’issue de ma condamnation, des gens viendront, écouteront la vérité, seront attirés par le réel du réel qui est en train de s’accomplir par la puissance d’amour de mon Père. Oui, le sens de cette fête du Christ-Roi, avouons-le, est caché mais c’est une fête de la grande espérance de Jésus au moment de Sa Passion. Accueillons-la, Amen !

 P. Nicolas Rousselot sj