La Genèse et l’Evangile de ce premier dimanche de Carême nous font entendre deux récits de tentations assez semblables : celle d’Adam et celle de Jésus.

Voyez ! Elles débutent toutes les deux par les sens, concrètement par la bouche. Adam n’avait-il pas vraiment envie de manger du fruit de cet arbre ? Mais comme il était agréable à voir, il devenait soudainement désirable. Quant à Jésus, il avait jeûné pendant 40 jours. Et faisant l’expérience de la faim, un simple morceau de pain pouvait devenir objet de tentation …

Mais ce n’était là qu’un début puisque pour Adam, il y avait plus qu’à croquer ! En ravissant la connaissance du bien et du mal il se voyait déjà devenir l’égal de Dieu… Oh ! Juste en enfreignant son commandement. Jésus, lui, pouvait recevoir, des mains du Prince de ce monde, domination sur tous les Royaumes de l’univers.

Adam, nous le savons, céda et pour connaître le mal, il lui fallait le commettre. Jésus, lui, résista sans qu’un succès politique couronne son courage. Et cette poignée de femmes et d’hommes qui le suivent seront vite désemparés lorsque sa vie sombra dans l’échec. Mais précisément, cet échec était la réponse au geste captateur d’Adam. Il était la restauration de ce que le premier homme avait défait. St Paul, vous l’avez entendu, nous l’explique en faisant prendre conscience qu’il s’agissait, aussi bien pour Adam que pour Jésus, de consentement et d’abandon au dessein de Dieu pour chacun de nous.

Adam, ayant désobéi, va connaître la mort. Mais son geste va être relayé par celui de Jésus. Si l’obéissance qui échoue avec Adam nous vaut la mort, celle de Jésus ne pourra pas esquiver cette réalité : elle ira aussi jusqu’à la mort, plus exactement [elle ira] à travers la mort et partir de la mort, vers la Résurrection et la Vie. C’est ainsi que toutes celles et ceux d’entre nous qui sont prêts à faire œuvre d’obéissance et consentir au dessein de grâce que Dieu leur réserve ne connaîtrons pas la mort.

Car chacun de nous, après Adam ou après Jésus, connait la tentation ! Tentation qui se tapisse bien souvent dans nos zones d’ombres, qui ne cesse de nous harceler et qui s’attaque à notre esprit, insidieusement. Mais … question : pourquoi ne pas l’envisager comme un moment nécessaire, un lieu saint où l’Esprit de Dieu nous mène au désert, dans la victoire et la Pâque de Jésus ?

Bien entendu, il y a tentation et tentation ! Il y a celles que nous pouvons repousser de la main… Et il y a celles qui éprouvent notre option fondamentale devant Dieu. Et nous le savons, c’est à cette profondeur-là que toute tentation provoque. Faisons-nous preuve d’obéissance à un Dieu que nous n’arrivons pas bien souvent à comprendre au moment où nous vivons des épreuves ? Ou refusons-nous de lui obéir ? … Mais ajoutons : pour un temps, du moins, car cet écart que nous creusons entre Lui et nous décuple sa miséricorde. Il nous incite à retrouver le chemin de la Vie.

Chaque Eucharistie nous fait goûter la grâce de la victoire pascale du Christ. La tentation n’en est pas pour autant supprimée, mais cette victoire du Christ acquise par son obéissance rend forte notre faiblesse. Au cœur de nos existences marquées de blessures, sachons lire ce pain eucharistique : il est signe de la victoire de Jésus ; il est signe de la Présence d’un Dieu qui nous aime.