Que signifie « aimer » ?

Dimanche 9 mai 2021

Que signifie « aimer » ? Aimer l’homme ou la femme de sa vie, aimer ses parents, ses enfants, aimer ses amis… S’il y a un dimanche où il faut aborder le sujet, c’est bien aujourd’hui. Faites le compte : entre la deuxième lecture et l’évangile, les mots amour, aimer et ami sont prononcés vingt-deux fois. Et bien sûr nous lisons cela durant le temps pascal, car c’est sur la croix du Christ que se révèle l’amour dans sa plénitude, ce qu’il est et quels sont ses règles et son jeu.

Je propose trois affirmations majeures sur l’amour.

Premièrement : avant de considérer l’amour comme un élan qui nous porte vers autrui, considérons l’amour que nous avons reçu et dont nous sommes l’objet. « Dieu nous a aimés le premier », dit Jean. Oui, Dieu m’a aimé avant que je l’aime ; mes parents m’ont aimé avant que je les aime ; puisse-t-il en être ainsi ! Si je prends conscience de cela, alors ma vie va se construire sur un fond de gratitude, seul fon­dement solide pour une existence. Il n’est pas sûr que tous les parents sachent aimer leurs enfants, tant notre humanité peut être blessée, mais le chrétien confesse cette vérité première : « Dieu est amour », il n’est que cela et il l’est pour chacun et chacune d’entre nous. Voici un exercice spirituel fondamental : apprendre à accueillir l’amour de Dieu, sur soi, sur le monde ; sur moi tel que je suis, sur le monde tel qu’il est. Poser cet acte de foi en disant de mieux en mieux : Sei­gneur, je crois que tu m’aimes, je crois que tu nous aimes. Confesser cela, et donner son amour en retour. Comment en effet saurions-nous aimer, sinon en retour ?

Deuxième proposition : l’élan d’amour qui me porte vers autrui, sa source mysté­rieuse vient de plus loin que moi. « L’amour vient de Dieu », disait encore Jean. Combien de fois avons-nous proposé à des fiancés de réfléchir à cela… D’où vient-il que nous nous soyons rencontrés, d’où vient-il que nous nous aimions ? Une tendresse est venue entre nous, que nous avons découverte avec étonnement ; nous l’avons reconnue, nous avons identifiée qu’elle était fiable – elle vient de Dieu-sait-où et elle nous conduira où Dieu voudra ; nous décidons ensemble de lui faire confiance, de la lancer en avant et de la suivre jusqu’au bout. Voilà l’amour. Et alors nous nous regardons l’un l’autre avec un bon sourire, et nous savons que notre sourire s’adresse à plus loin que nous. Il vise Dieu, source de tout amour. Immense gratitude de ceux qui se découvrent aimés et choisis. « C’est moi qui vous ai choisis et établis, pour que vous alliez et portiez du fruit. » Les fiancés comprennent cela, mais cela vaut pour tout amour vrai et pour toute amitié authentique.

Enfin, troisième proposition : si ce qui précède est vrai, alors l’amour est une tâche, une mission ; il est même un devoir d’obéissance : « Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » Jésus parle à l’impératif. En un sens, c’est curieux. L’amour, pour une bonne part, est affaire de sentiments, une affection naturelle. Certes. Encore faut-il laisser parler ses sentiments, et les éduquer, et n’en retenir que les meilleurs. Là aussi il faudra, comme dimanche dernier, tailler ce qui est douteux pour valoriser ce qui est prometteur ; cultiver ses sentiments est un travail en soi. Il y faut de la décision. Voilà pourquoi Jésus parle à l’impératif : aimer est une affaire de décision. C’est la décision d’être bon pour des gens qui ne m’inspirent pas d’affection a priori. C’est la décision d’ouvrir mon cœur à des cercles plus larges, afin de rejoindre si Dieu veut des amitiés nouvelles, là où je ne les aurais pas imaginées. C’est enfin la décision de m’engager activement dans mes relations ; je veux apprendre à durer en amitié, je veux y « demeurer », à force de don de soi et de pardons échangés. Tout cela d’autant plus, évidemment, quand l’amitié s’appelle amour, l’unique amour. Alors le « Aimez-vous » devient : « Enga­gez votre parole ». Osez la confiance résolue et le saut dans la promesse ! Je dois dire qu’il m’est arrivé d’y penser, à l’amour-commandement, quand j’ai dû aider quelques jeunes à sauter le pas. Le pas du mariage. Le pas de la vocation religieuse. Dire « oui » à l’amour qui se présente, voilà bien un commandement, en même temps que c’est la plus belle forme de liberté et le geste le plus gracieux de l’exis­tence. Aider quelqu’un à se libérer de ses peurs, le restituer à sa liberté, lui faire entendre l’injonction du désir vrai : c’est un service à rendre, parfois.

« Aimez-vous… comme je vous ai aimés. » Jésus poussera le commandement jusqu’à l’extrême, jusqu’à l’impératif : « Aimez vos ennemis. » Une dame m’a fait remarquer un jour que « l’ennemi » en question, on n’a pas besoin d’aller le cher­cher loin. Elle disait : « C’est mon mari ou mon fils, à l’heure où l’on ramasse les miettes », autrement dit dans l’exigence quotidienne de réapprendre la patience, la douceur, la décision d’aimer.

Quand Jésus eut fini de parler de l’amour il conclut ainsi : « Je vous ai dit tout cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. » Amen.

P. M. Roland-Gosselin sj

Prière universelle

« Tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera. » En nous appuyant avec confiance sur cette promesse de Jésus, nous adressons à Dieu une prière universelle. Seigneur, donne-nous ton esprit pour bâtir ton royaume.

Refrain : Seigneur, donne-nous ton Esprit pour bâtir ton Royaume

  • Seigneur, nous te rendons grâce pour toutes les personnes qui nous ont aimés et appris à aimer : nos parents et grands-parents, nos proches, nos amis, ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui. Qu’ils soient bénis dans la mesure de leur bonté. Et que soient bénis les amis que nous ne connaissons pas encore, ceux que tu voudras bien mettre sur notre route. Ouvre nos cœurs, Seigneur, nous t’en prions.
  • Seigneur, nous te présentons la multitude des gens, à nos portes ou au loin, qui souffrent de solitude, qui demandent de l’aide ou un peu d’attention. Rends-nous disponibles autant qu’il est possible. Apprends-nous des générosités nouvelles. Seigneur, par ton Esprit et par nos mains, envoie ta bonté sur la terre, nous t’en prions.
  • Seigneur, nous te présentons l’Église, où tu souhaites reconnaître tes « amis ». Envoie sur elle ton Esprit, afin qu’elle donne au monde un beau témoignage d’amitié fraternelle, de justesse et de vérité dans l’amour. Pardonne-lui ses péchés. Donne-lui les mots et les gestes qui enseigneront le bien et distribueront la paix. Nous t’en prions.
  • Seigneur, il t’appartient de « choisir et établir » les cœurs, afin qu’ils portent du fruit. Nous te confions les couples engagés dans les liens du mariage, et ceux qui s’y préparent. Nous te confions les religieux et consacrés, et les jeunes qui envisagent un tel engagement d’amour. Nous te confions enfin tous les cœurs d’hommes et de femmes, pour que tu établisses chacun dans sa fécondité. Nous t’en prions.

 La quête de ce jour est destinée à nos frères et nos sœurs chrétiens d’Orient. Merci !