Le Faire-part de Paul et de Matthieu

Dimanche 18 décembre 2022

Nous voici à six jours de la célébration de Noël.

En un sens tout continue comme avant : le quotidien des jours, le travail ou les loisirs, la vie familiale, les rencontres avec des amis… Mais aussi, pour tel ou tel d’entre nous peut-être, des épreuves de santé qui durent ; et en tout cas, dans notre monde, la souffrance de certaines populations, les conflits ici ou là, et bien sûr la guerre en Ukraine… Tout cela continue, mais nous pouvons aussi ressentir une atmosphère nouvelle, parce que pour beaucoup les vacances sont arrivées, il y a de plus en plus de monde dans les rues, des magasins sont remplis, les gens font leurs courses pour Noël, on achète des cadeaux, on se prépare aux fêtes.

En ces jours qui précèdent la sainte nuit de la Nativité, laissons résonner de manière nouvelle ce faire-part de naissance que l’apôtre Paul transmit jadis à la communauté chrétienne de Rome : j’ai été appelé, disait-il, pour transmettre l’Évangile de Dieu, et cet Évangile concerne « son Fils qui, selon la chair, est né de la descendance de David ». Paul annonçait aussi aux chrétiens de Rome que ce même Fils était ressuscité, mais il parlait d’abord de sa naissance et il l’annonçait aux nations.

C’est cette naissance que nous célébrerons bientôt, et il nous reste quelques jours pour nous y préparer. L’évangile que nous avons entendu nous y dispose en nous parlant justement de ce qui a précédé la Nativité : « Voici comment fut engendré Jésus Christ… ». Un engendrement entouré de mystère : le récit rapporte que, avant même que Marie et Joseph aient habité ensemble, « elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint ». On devine combien Joseph dut être alors, non seulement déconcerté, mais ébranlé au plus profond de lui-même (il eut d’abord le dessein de renvoyer Marie en secret…) ; mais, nous dit l’évangile, il lui fut révélé qu’il devait garder Marie avec lui, car l’enfant qui naîtrait d’elle venait de l’Esprit Saint et il serait le Sauveur de son peuple.

Qu’est-ce donc qui est à entendre à travers cette naissance unique entre toutes ? Remarquons d’abord que le récit évangélique n’entend nullement mettre en cause la pleine appartenance de Jésus à notre humanité. L’évangile de Matthieu s’est au contraire ouvert par la généalogie de Jésus, depuis Abraham jusqu’à « Joseph, l’époux de Marie » : Jésus s’inscrit en ce sens dans la succession des générations depuis les commencements de l’histoire d’Israël ; il s’inscrit même, plus largement, dans toute l’histoire humaine qui l’a précédée ; cela a été magnifiquement dit par Teilhard de Chardin au siècle dernier :

« Les prodigieuses durées qui précèdent le premier Noël ne sont pas vides du Christ, mais pénétrées de son influx puissant […]. Il ne fallait rien moins que les labeurs effrayants et anonymes de l’homme primitif, et la longue beauté égyptienne, et l’attente inquiète d’Israël, et le parfum lentement distillé des mystiques orientales, et la sagesse cent fois raffinée des Grecs pour que sur la tige de Jessé et de l’humanité la fleur pût éclore. Tous ces préparatifs étaient cosmiquement, biologiquement nécessaires pour que le Christ prît pied sur la scène humaine[1]. »

L’enfant dont nous célébrerons bientôt la naissance est donc pleinement de notre humanité. Simplement – et ceci est essentiel – il n’est pas un enfant parmi d’autres, il vient de Dieu, il est Dieu même venu parmi nous, et c’est précisément cela que signifie sa naissance hors du commun. Le prophète Isaïe l’avait dit par avance, comme nous l’avons entendu dans la première lecture : « Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel (c’est-à-dire : Dieu avec nous) » ; et l’évangéliste Matthieu, qui cite cette prophétie, comprend justement qu’elle s’accomplit en Marie, « enceinte par l’action de l’Esprit Saint ». Nous ne savons pas comment cela est possible (c’était déjà la question de Marie dans l’évangile de Luc : « comment cela se fera-t-il puisque je ne connais pas d’homme[2] ? ») ; mais entendons ce qui nous est dit à travers cet événement inouï : Jésus est pleinement de notre humanité et il est, dans cette humanité même, celui qui vient de Dieu, celui qui est même le Fils unique de Dieu. S’il y a bien continuité entre Jésus et toutes les générations qui l’ont précédé, une nouveauté sans précédent n’en surgit pas moins avec lui parce qu’il n’est pas seulement un être humain parmi tant d’autres mais que cet enfant né de Marie est l’« Emmanuel », c’est-à-dire « Dieu parmi nous », la présence même de Dieu en notre histoire.

Voilà cette naissance dont témoignait l’évangéliste Matthieu. Voilà cette naissance que Paul annonçait à la communauté chrétienne de Rome. Voilà cette naissance que nous célébrerons bientôt dans la nuit de Noël. Voilà la bonne nouvelle qui, dans le quotidien de nos vies, et malgré les drames et tragédies de notre monde, devra résonner pour nous comme une source d’espérance, de joie et de paix. À quelques jours de cette fête, regardons simplement Marie et Joseph. Marie, « enceinte par l’action de l’Esprit Saint ». Joseph, qui prend chez lui son épouse. Marie et Joseph, porteurs de la révélation inouïe qui leur a été donnée. Marie et Joseph, unis dans l’attente de cette naissance à nulle autre pareille. Marie et Joseph, tout entiers tendus vers la Nativité qui approche. Bientôt ce sera l’hiver, bientôt la neige tombera sur la montagne de l’Hermon, bientôt le froid s’étendra sur la Galilée et la Judée, bientôt il faudra se mettre en route, les jours seront plus courts que jamais, et la nuit tombera vite. Mais dans cette nuit une étoile scintillera. L’enfant naîtra de Marie.  Dieu même naîtra en notre histoire.

Michel Fédou sj

[1] P. Teilhard de Chardin, « Mon univers » (1924), dans Hymne de l’Univers, Seuil, Paris, 1961, p. 80-81.

[2] Lc 1, 34

Prière Universelle

« On lui donnera le nom d’Emmanuel », « Dieu avec nous ». Alors que nous allons bientôt célébrer la naissance de Jésus, présentons nos prières pour que notre monde et notre Église puissent davantage s’ouvrir à la présence du Seigneur parmi nous.

  1. À l’approche de Noël, nous te confions, Père, ceux et celles qui sont durement éprouvés par la maladie ou la pauvreté, ceux qui sont sans logis, les migrants, les victimes de conflits ou de guerres ; qu’ils puissent trouver réconfort et consolation dans leurs épreuves, Seigneur, nous te prions.
  2. Nous te prions, Père, pour tous ceux qui vont vivre dans les jours à venir des temps de rencontres familiales ou de rassemblements en communautés ; nous te prions aussi pour les personnes isolées, pour qu’elles puissent rencontrer des personnes accueillantes et se laisser rejoindre par la joie et la paix de Noël ; Seigneur, nous te prions.
  3. Comme nous y invite le pape François en ce mois de décembre, confions au Seigneur les organisations et associations de promotion humaine ; qu’elles trouvent des personnes désireuses de s’engager pour le bien commun, au service de la justice et de la paix ; Seigneur, nous te prions.
  4. En ces jours qui précèdent Noël, prions le Seigneur pour nous-mêmes et notre Église ; que se creusent en nous l’attente de Jésus, le désir de l’accueillir en nos cœurs, et l’ardeur à témoigner de la joie de l’Évangile autour de nous ; prions le Seigneur.

Seigneur, toi qui nous as envoyé ton Fils unique pour que nous ayons part à ta propre vie, exauce les prières que nous t’adressons en ce jour, et dispose-nous à célébrer dans la joie la fête de la Nativité. Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur.