Dimanche 18 avril 2021

Voilà pour cette année notre dernière apparition du Ressuscité. Nous avons maintenant tout entendu, et il ne reste plus qu’à se mettre en route : « À vous d’en être les témoins ». Chrétiens, quelle sera notre mission dans le monde ? Nous annoncerons la résurrection de Jésus, Jésus de Nazareth, devenu Seigneur et Christ. Celui que nous avions crucifié, Dieu l’a élevé pour le pardon des péchés, nous en sommes témoins. Voilà le cri de naissance de l’Église et le résumé de notre foi.

Il paraît que parmi les chrétiens, beaucoup ne croient pas à la résurrection : « Qu’est-ce que c’est que ces histoires fabuleuses de revenant et d’apparitions ? Non, non. » Plus nombreux encore, probablement, les chrétiens qui occultent la question et préfèrent ne pas y penser. Quel dommage pourtant que de ne pas y penser ! Une telle joie nous attend si nous regardions en face la beauté du mystère, en commençant par lire soigneusement les récits !

De tous les récits d’apparition, celui d’aujourd’hui est celui qui insiste le plus sur l’expérience sensible des apôtres, invités à voir, à toucher, à reconnaître le corps de chair du Ressuscité. Si vous avez de la peine à dire : « Je crois à la résurrection de la chair », l’occasion est bonne d’y réfléchir. Il ne s’agit pas de croire que nous retrouverons dans la vie éternelle la biologie de nos années terrestres ; Jésus ressuscité n’est pas voué à manger du poisson grillé jusqu’à la fin des temps. Il se fait reconnaître dans sa chair, pour que nous comprenions qu’il s’agit bien de lui et que tout ce qui le constitue – à commencer par son corps – est désormais pleinement vivant, dans le mystère de la vie en plénitude. En affirmant notre foi en la résurrection de la chair, nous croyons que tout ce qui nous constitue sur cette terre – nos sourires, regards, poignées de main, notre tendresse, et nos souffrances aussi, nos efforts quotidiens et nos joies sensibles, tout cela est magnifié en Dieu, pourvu que ce fût vécu dans l’amour ; tout cela est appelé à porter son fruit dans une vie – un amour – en plénitude. De quelle façon ? Mystère. Saint Paul parle de « corps spirituel » et de « corps de gloire ». En somme, l’évangile d’aujourd’hui ouvre un avenir à notre corps de chair, il en magnifie la beauté et la dignité, dès lors que nous vivrons avec et dans l’Esprit de Jésus.

Et le récit continue. Il bascule maintenant du côté des Écritures. Comme aux disciples d’Emmaüs, Jésus explique aux apôtres « l’intelligence des Écritures ». Il leur dit : « Cette surprise étonnante qu’est mon relèvement d’entre les morts, les perspectives inouïes qui s’ouvrent d’un coup dans vos cœurs émerveillés et incrédules, tout cela n’était-il pas écrit depuis les origines ? La traversée de la Mer rouge, n’était-ce pas l’esquisse d’un passage de la mort à la vie ? Et quand, au livre de la Genèse, Dieu disait à la femme que sa postérité écraserait la tête du serpent, autrement dit que la mort n’aurait pas le dernier mot, n’était-ce pas déjà une lointaine annonce du jour d’aujourd’hui ? Jésus fait de sa Pâque l’accomplissement des Écritures, et cela nous ouvre des perspectives. Ces mêmes Écritures qui nous ont conduits jusque-là, ces Écritures qui portaient un secret qu’elles-mêmes ne connaissaient pas encore, les voilà maintenant élevées à une dignité nouvelle. Elles seront demain plus précieuses encore qu’elles ne l’étaient hier. Car nous saurons désormais que leur moindre mot nous parle de Jésus. Jésus nous les donne comme une forme privilégiée de sa présence sensible pour toutes les générations à venir. Maintenant qu’il est identifié et reconnu, le Christ peut disparaître à nos regards : nous aurons les Écritures, il s’y donnera à voir et à entendre. En les déchiffrant, en les proclamant, nous apprendrons à le toucher et à nous laisser toucher par lui. Nous acclamerons la Parole de Dieu en disant : « Louange à toi, Seigneur Jésus. »

Il reste un mot important à commenter. Si je l’oubliais, je n’aurais pas entendu l’évangile jusqu’au bout. Quelle est la visée de tout cela ? Pourquoi Dieu a-t-il envoyé son Fils dans le monde, naître, vivre, mourir et ressusciter selon les Écritures ? Réponse : c’est « pour le pardon des péchés ». Voilà ce qu’il faudra annoncer « à toutes les nations ». Le pardon des péchés est le fruit de la Résurrection. Autrement dit, vous voici délivrés. Vous qui êtes « ressuscités avec le Christ », sachez que la mort n’a plus d’autorité sur vous. Cessez d’en avoir peur ; cessez de croire en elle et en toutes ses puissances, pourtant tellement visibles jusque dans vos propres cœurs. Qu’elle vienne, la mort ! Et elle viendra. Mais elle ne viendra pas – puisse-t-elle ne pas venir – en dominatrice et victorieuse. Elle n’est pas chargée de briser notre élan de vie et de nous vouer à la désespérance. Puisse-t-elle être, non pas l’échec qui vient tout démolir, mais plutôt le dernier acte d’une existence que la grâce aura allégée peu à peu de ses pesanteurs de péché.

Chrétiens, une vie nouvelle peut commencer. Nous serons de chair et de sang, désireux d’exulter dans nos corps et dans nos cœurs, et pourtant nous ne serons plus livrés à la glaise dont nous sommes tirés. Nous ne serons plus attachés à nous-mêmes, enfermés sur nous et sur la nature. Nous aurons l’audace de perdre et lâcher ce qui nous retient de nous lancer dans la vie. Que vienne sur nous l’Esprit du Ressuscité. Amen.

Prière universelle

Portés par la foi des apôtres, nous adressons à Dieu une prière universelle. Seigneur, donne-nous ton esprit pour bâtir ton royaume.

  • « Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire. » Seigneur, nous te rendons grâce pour le mystère de la foi qui réjouit le cœur des croyants. Nous avons en mémoire la joie rayonnante de Sonia, baptisée dans cette église au matin de Pâques. Nous te confions tous les baptisés de cette nuit-là, et avec eux nous te prions.
  • « Il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures. » Seigneur, nous te présentons tous ceux et celles qui, dans l’Église, s’efforcent joyeusement de déchiffrer les Écritures et d’en donner le sens et le goût. Biblistes, théologiens, catéchistes, prédicateurs de toutes sortes : nous voulons participer à leurs efforts, et avec eux nous te prions.
  • « À vous d’en être les témoins. » Seigneur, nous te rendons grâce pour la multitude de témoins grâce auxquels la foi est venue jusqu’à nous. Nous avons en mémoire quelques visages : un parent, un éducateur, un prêtre, un ami. Ils nous ont transmis l’évangile de la résurrection ; qu’ils soient bénis. Sur nous tous également envoie ton Esprit Saint et fais lever des témoins, nous t’en prions.
  • Enfin Seigneur, enfermés comme nous le sommes toujours dans une crise sanitaire tellement compliquée, nous te présentons une fois de plus son immense enjeu. Aide-nous à tirer du bien de cette situation mauvaise. Qu’elle nous rende plus inventifs, plus solidaires. Puisse-t-elle nous tirer vers le haut, chacun et tous ensemble. Nous t’en prions.

Père Miguel Roland-Gosselin