« C’est lui qui était devenu juste »

 

Dimanche 23 octobre 2022

 

Que la prière exprime ce que nous vivons ou plus exactement, ce que nous sommes vraiment… n’en soyons pas surpris ! La prière dit notre soif de Dieu -notre ouverture à Lui- ou elle dévoile notre narcissisme. Ce qui est impressionnant -et nous en avons déjà fait l’expérience-, c’est de voir à quel point notre prière peut être déviée de sa trajectoire pour en finale devenir une raison d’être condamné. Oui c’est impressionnant de penser qu’une prière qui invoque Dieu peut nous nous rendre réfractaire à sa grâce, rendant inefficace voire inutile son action.

Telle est la prière de ce pharisien. Nous savons que les pharisiens étaient hommes d’église, spécialiste de Dieu dans la Loi et strict observant. Et voilà que sa demande qui cherche à toucher le cœur de Dieu vient à lister ses propres titres de gloire. N’est-il pas qu’un simple vantard ? un peu naïf et surtout bien bavard. Non St Luc le décrit, à mon avis, avec justesse comme ceux qui se croient faisant partie des justes.

Bien entendu, cette manière d’être tranche avec celle du publicain. Il voit son péché. Notre Pape François, soucieux de bien se faire comprendre, traduirait : il voit sa tristesse, son vide intérieur, son isolement (E.G 1). Et cette détresse, il l’accepte, sans la dissimuler derrière ses bonnes œuvres. Il ose perdre la face devant Dieu et aussi devant lui-même. Qui est ce publicain dans cette parabole ? un fonctionnaire plus ou moins malhonnête, qui s’enrichit sur le dos des petits. Mais il n’a pas peur de Die. Il ne craint pas de reconnaître sa propre misère devant la miséricorde de Dieu. Sa manière d’être mérite que nous en percevions toute la justesse, toute la valeur.

Il nous apprend qu’aucune rencontre avec Jésus n’est possible ; qu’aucune prière ne peut toucher Dieu sans cette confession de notre propre pauvreté. Sans cet abandon de tout nous-mêmes, le reste n’est qu’orgueil, suffisance, manque de vérité devant Dieu et devant les hommes.

Oui, Seigneur, des profondeurs, je crie vers toi ! Ces paroles tirées d’un psaume que nous connaissons bien reste la seule prière que nous pouvons dire et qui traduit notre faiblesse personnelle et notre soif de Dieu. Alors, comme nous venons de le dire et le chanter : « Le Seigneur regarde les justes, il écoute, attentif à leurs cris. Il entend ceux qui l’appellent : de toutes leurs angoisses, il les délivre ».

Ce chemin de la prière n’est pas aisé car il fait découvrir à quel point la pauvreté consiste à découvrir que nous ne sommes pas assez pauvres. Et cette découverte est nécessaire, salutaire puisque nous pouvons alors partager à nos frères le pardon que nous recevons de Dieu. Il n’est jamais trop tard pour saisir à quel point le cœur de Dieu permet de voir ses fautes sans jamais désespérer de sa miséricorde.

Alors remercions Jésus pour cette parabole. Son but n’est autre que révéler la manière dont la grâce de Dieu ne s’insinue dans nos cœurs : à travers la faille qui nous constitue. Cela ne sert à rien de boucher cette faille en pensant que nos bonnes œuvres la compensent au point de la faire disparaître. Confesser son désert intérieur, son isolement face à la miséricorde de Dieu, voilà le chemin qui nous permet un jour de découvrir et vivre de la douceur de Dieu.

N’est-ce pas cette invitation que le Seigneur nous adresse encore aujourd’hui en nous priant de prendre part à sa table. Nous n’avons rien à Lui donner sinon ce rien qui nous tourne vers Lui. C’est la seule prière à dire ; c’est la seule Eucharistie qui vaille puisqu’elle fait appel à la miséricorde de Dieu et qui fait naître en nous l’action de grâces vu que seul Dieu prend en pitié les pécheurs que nous sommes.

 

Philippe Marxer Sj