ZACHEE, NOTRE FRERE (Lc 19, 1-10)

 

Dimanche 30 octobre 2022

 

Plusieurs disent que ce récit est l’un des plus beaux miracles de Jésus. Pourquoi ? Parce que Jésus ici n’ai rien eu besoin de faire. Il lui a juste suffi de demander l’hospitalité. Il n’a pas dit à Zachée : « As-tu bien fait ? » ou « Va ta foi t’a sauvée ? » ou « Va et ne pêche plus ! », Zachée a remis de lui-même sa vie en ordre. C’est vraiment un beau miracle !

Je vous propose 5 points de méditation sur cet évangile.

Tout d’abord, remarquons que le nom de Zachée nous est connu, comme du reste nous connaissons le prénom du mendiant aveugle que Jésus guérit quelques temps avant la rencontre d’aujourd’hui. Le fait de connaître les noms de ces personnes que Jésus rencontre de manière fortuite indiquent que celles-ci sont connues de la première communauté chrétienne. Elles font partie de sa mémoire à l’heure où Luc écrit son évangile. C’est le signe que ces personnes ont raconté et re-raconté la rencontre qui a marqué leur vie.

On a l’impression aussi que Luc fait un parallèle entre la rencontre avec Bartimée et celle avec Zachée. Bartimée se trouve au début de la route alors que Zachée se trouve en fin de route. Le premier est mendiant tandis que le 2e est riche ; le premier se trouve assis au bord du chemin, l’autre se trouve en haut juché sur un sycomore. L’un se trouve en bas de l’échelle sociale, l’autre se trouve en haut. Tous les deux sont gênés par la foule pour rencontrer Jésus et tous les deux cherchent à le voir et rien ne les arrêtera…

Nous en parlons peu mais ici encore, nous nous trouvons face au don de prescience de Jésus. Lorsqu’il arrive au sycomore, il lève les yeux et dit : « Zachée, descends, il faut que je mange chez toi ! », alors qu’ils ne se sont jamais vus. Jésus humainement ne peut connaître le prénom de Zachée. Nous avons la même chose au début de l’évangile de Jean, lorsque Philippe mène son ami Nathanaël à Jésus. Jésus s’exclame : « Voici un israélite sans détour. – d’où me connais tu ? répond Nathanaël.   -avant que tu ne viennes, je t’ai vu sous le figuier. » Nous avons la même chose au moment de la Passion où Jésus dit à Pierre : « Avant que le chante le coq chante deux fois, tu m’auras trahi trois fois. » Même chose pour Juda : « Ce que tu dois faire, fais-le vite ! ». Le don de prescience de Jésus est peut-être difficile à comprendre, mais c’est le signe qu’il est sans cesse avec nous, qu’il nous attend, qu’il nous guette, il nous guide en nous laissant totalement libres. Un jour dans l’autre monde, nous découvrirons pleinement à quel point il était là et nous ne le savions pas.

Autre point : nous sommes comme Zachée, nous avons besoin d’un sycomore pour voir Jésus passer dans nos vies. Nous pouvons nous poser la question aujourd’hui, ou dans les jours suivants : qui a été pour moi un sycomore ? Dans mon enfance, dans ma jeunesse ? Et surtout aujourd’hui, qui me montre Jésus ? Qui est mon sycomore ?  Est-ce quelqu’un que je rencontre, que je lis ? Nous ne pouvons pas nous passer d’un sycomore pour voir Jésus passer au bon moment de nos vies.

Comme 5e et dernier point, je voudrais mentionner trois obstacles rencontrés par Zachée, d’après une homélie assez célèbre du pape François en 2016 à Cracovie au moment des journées mondiales de la jeunesse où il commentait ce texte de Zachée. Le premier obstacle rencontré est sa petite taille, elle représente le risque de rester à distance de Jésus car nous ne sommes pas à la hauteur d’une telle rencontre. Nous allons célébrer l’eucharistie mais cette rencontre, cette relation à laquelle nous sommes invités est tellement disproportionnée à ce que nous sommes ! Le pape disait nous avons besoin de croire en Dieu, mais nous avons aussi besoin de croire en nous pour nous trouver capables d’une telle rencontre pourtant si dissymétrique.

Il y a un 2e obstacle, celle de la honte qui risque de paralyser Zachée (on pourrait imaginer ce qui s’est passé dans son cœur). Pendant bien des années, je pensais que Zachée était monté sur ce sycomore pour voir sans être vu. Or il n’en est rien. En effet, le sycomore n’est pas comme un platane qui lui est plein de feuilles. Le sycomore est surtout reconnaissable à ses grandes branches. Zachée s’est demandé : soit je monte sur un sycomore sur cet arbre pour voir Jésus, au risque d’être la risée de la foule, je ressemblerais alors à un gamin, moi qui suis un notable redouté, je perdrai mon prestige. Mais si je ne monte pas dans l’arbre, je ne verrai pas Jésus…  Zachée a donc fait un calcul, il a pris le risque d’être paralysé par la honte. Sa motivation était sans doute sa curiosité, mais plus encore, dit le pape, Zachée avait « un cœur amoureux ». C’est sa joie qui le motivait, lorsqu’il court en avant, qu’il grimpe et qu’il descend tout aussi vite pour foncer chez lui préparer le repas. C’est la joie qui a été le moteur de ce risque.

Le 3e obstacle que Zachée rencontre est non pas à l’intérieur de lui mais autour de lui. Ce sont les murmures de cette foule hostile quand Jésus vient s’inviter chez lui : « Il est allé loger chez un pécheur ! ». La foule a jugé Jésus, et a jugé Zachée. Elle représente tous les bruits négatifs qui aujourd’hui nous assaillent, cette culture numérique dans laquelle nous baignons désormais. Je donne un mini témoignage personnel : il se trouve que je viens de faire ma retraite annuelle dans une maison au fond des bois pendant quelques jours. Je n’ai rencontré personne, hormis quelques animaux. Quand je suis revenu vendredi soir, ouvrant machinalement mon portable pour lire quelques nouvelles, j’eus l’impression d’être comme assailli par une vague de mauvaises nouvelles, une vague hostile qui me submergeait. Certaines étaient vraies d’autres certainement étaient montées en épingle. Cette vague est là. Repérons-là, nous avons à la traverser pour rencontrer durablement Jésus.

Nicolas Rousselot Sj.