17 janvier 2021 – « Que cherchez-vous? »

Après son baptême que nous fêtions dimanche dernier, Jésus commence sa vie publique. Pour notre part, nous sommes entrés dans le temps liturgique ordinaire. Jésus va cheminer avec nous, nous allons cheminer avec lui ; nous nous mettons en route, à son école. Pourvu que la marche qui commence soit passionnante ! À force d’avancer d’année en année, de recommencer sans cesse un parcours chaque fois nouveau, pourvu que peu à peu l’ordinaire de nos jours s’évangélise, que nous apprenions de mieux en mieux ce que veut dire être humain et être heureux.

Encore faut-il se mettre en route avec un grand désir. Bien souvent, j’ai posé à des gens la question suivante : quels sont les premiers mots de Jésus ? Quelle est la première chose qu’il souhaite nous dire ? Dans l’évangile de Jean, les premiers mots de Jésus sont une question : « Que cherchez-vous ? » Il faut l’entendre cette question, et que chacun de nous la prenne pour soi : « Au fond, à quoi est-ce que j’aspire ? Dans mon existence, dans le monde d’aujourd’hui, qu’est-ce qui est encore inachevé, insuffisant ? Qu’est-ce qui mériterait d’être amélioré, changé, peut-être bouleversé de fond en comble ? » Voilà la première question, celle que pose Jésus à quiconque veut se mettre en route : « Que désires-tu ? »

Regardons de près la scène évangélique. Voici donc deux hommes, André et son compagnon inconnu. Ces deux-là « en veulent », comme on dit ; sûrement, c’est une quête de sens, le désir d’avancer qui les a conduits vers Jean le Baptiste, vers le maître qui secoue les foules et appelle à la conversion. Et ce Jean-Baptiste, lui aussi est un chercheur ; il est l’admirable maître qui, doué pour mettre les gens en mouvement, se garde bien de les retenir à lui. Jean-Baptiste est un passeur, un modèle définitif pour tous les éducateurs. Il aperçoit Jésus, il le pointe du doigt – « Voici l’Agneau de Dieu. » – et il se retire. La quête qui vous habite, vos questions claires et confuses, votre désir de justice et de bonheur, allez donc présenter tout cela à ce Jésus qui vient : c’est lui ! Et André pourra dire à son frère, effectivement : « Nous avons trouvé ! »

Elle est belle l’entrée en scène de Jésus dans l’évangile de Jean. On aurait pu imaginer une entrée majestueuse et fracassante. Non ; on rapporte qu’il « allait et venait ». Jésus ne fait que passer, et c’est à qui voudra se lever pour marcher à sa suite. Celui qui sera notre maître jusqu’à la fin des temps, nous l’avons d’abord vu de dos, nous avons mis nos pas dans siens, respectueusement, pleins de curiosité, aiguillés sans doute par quelqu’un qui nous aura parlé de lui. Et alors Jésus se retourne, avec la question la plus respectueuse mais aussi la plus exigeante qui soit : « Que cherchez-vous ? » À croire que toute la suite en dépendra.

La réponse des deux hommes est aussi la plus belle qui soit : « Maître, où demeures-tu ? » Sans doute, comme nous tous, ne savent-ils pas très bien ce qu’ils cherchent. Comme beaucoup de gens, ils trouvent que la vie est compliquée, qu’elle est pleine encore d’insatisfactions, que le monde est désordonné et chaotique ; mais encore ? Eh bien, bravo pour leur réponse : « Maître, nous voulons te fréquenter un peu, nous asseoir à tes côtés, partager ton pain, devenir si tu le permets tes compagnons. » Un jour sans doute aurons-nous trouvé la réponse à nos questions, un jour notre route s’éclaircira et nous prendrons de grandes décisions ; pour l’instant, le meilleur début est celui-là : demeurer avec toi, apprendre la vie à tes côtés.

« Ils allèrent, ils virent, ils restèrent ce jour-là. C’était la dixième heure. » Tiens, pourquoi ce curieux détail : « C’était la dixième heure » ? Réponse : parce qu’il y a des heures qu’on n’oublie pas. L’air de rien, par une petite touche discrète, l’évangéliste nous suggère qu’il n’oubliera jamais cette journée avec Jésus. Il nous laisse accessoirement deviner que le disciple sans nom, c’était peut-être lui, celui qu’on appelle Jean l’évangéliste. Il nous invite surtout à nous poser la question – et je vous la pose : avons-nous en mémoire, les uns et les autres, quelque « dixième heure » qui a marqué notre existence ? Saurais-je identifier dans ma vie quelques-unes de ces « heures étoilées » qui resteront lumineuses jusqu’au dernier jour ? Avons-nous en mémoire le visage de quelque Jean-Baptiste, de quelque maître ou ami qui, un jour, a su nous conduire vers Jésus ? Conservons-nous, gravée dans le cœur, la trace de quelques-uns de nos éducateurs à la foi ?

Et ce qu’ils avaient fait là, il nous appartient de le faire à notre tour et d’être comme eux des passeurs. André fut pour son frère Simon un passeur. Pierre sera un géant, tandis que d’André nous saurons bien peu de chose : il restera modestement « l’un des deux ». Il est discrètement l’un d’entre nous. Mais sans André, il n’y aurait pas eu Pierre. Qui sait si, par ma fidélité toute simple, par le soin que je mets à « demeurer » avec Jésus dans la prière, par les petites démarches que j’entreprends pour annoncer le Christ, qui sait si je ne serais pas en train de construire l’Église et de lancer dans la vie des hommes et des femmes qui deviendront des colonnes de l’Église ? Il peut se faire de grandes choses dans l’ordinaire des jours, d’une manière tout ordinaire…

P. Miguel Roland-Gosselin s.j.

Prière universelle

  • « Voici l’Agneau de Dieu. » Seigneur Jésus, en souvenir de Jean-Baptiste, nous te présentons tous ceux et celles qui s’efforcent de conduire leurs frères vers toi : les parents, les catéchistes, les prêtres, tous les éducateurs qui ont mission d’indiquer ta présence et de prêcher ton évangile. Soutiens leurs efforts, donne-leur la justesse des mots et la joie du cœur. Nous t’en prions.
  • « Maître, où demeures-tu ? » Seigneur Jésus, nous te présentons tous les hommes et femmes qui sont, comme on dit, « en recherche » ; ceux qui peinent à trouver un sens à leur vie ; ceux qui, l’ayant trouvé auprès de toi, se dépensent dans la prière et dans l’étude pour te connaître davantage. Soutiens la quête de chacun d’entre eux, et fais de nous tous des chercheurs, nous t’en prions.
  • « Venez et voyez. » Seigneur Jésus, nous entendons ton invitation, et nous l’adressons à tous ceux qui ne te connaissent pas ou qui te connaissent mal. Et pour qu’ils soient dignement accueillis chez toi, dans ta demeure, nous te confions l’Église : qu’elle donne un beau témoignage évangélique, qu’elle soit sainte, accueillante et cordiale, nous t’en prions.
  • « Que cherchez-vous ? » Seigneur Jésus, parmi les désirs que nous portons ces temps-ci, il y a bien sûr la santé publique, le rapprochement des nations, le développement économique et culturel sur fond de justice sociale, et tant d’autres « causes » qui nous dépassent. En ce début d’année, donne-nous courage, intelligence et confiance. Nous t’en prions.