« Il faut que le Fils de l’Homme souffre beaucoup »

Dimanche 12 septembre 2021

Is 50, 5-9a ; Jc 2, 14-18 ; Mc 8, 27-35

Vous vous rappelez peut-être, dimanche dernier, j’ai commenté brièvement ce passage, à propos du secret messianique que Jésus révèle à ses disciples : « Je suis le serviteur souffrant qu’annonçait Isaïe il y a longtemps ». Mais Pierre et ses amis sont incapables de l’accueillir. Les paroles sont trop dures à entendre : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit tué » et encore : « si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. » À première vue ces paroles ne sont pas très attirantes pour nous aussi, elles ne sont pas très « tendance » comme on dit aujourd’hui. Cela me rappelle l’histoire qu’on raconte de sainte Thérèse d’Avila. Elle allait fonder avec quelques-unes de ses sœurs un nouveau couvent dans une ville d’Espagne. Mais c’était l’hiver. Et au moment de passer un gué, leur chariot fut emporté dans les flots. Alors Thérèse cria vers le Seigneur : « Seigneur, viens à notre aide, fais quelque chose, enfin : ». Elle entendit alors une voix intérieure qui lui disait : « C’est comme cela que je traite mes meilleurs amis. » Alors, elle répondit du tac au tac : « Et c’est bien pour cela que vous en avez si peu ! » Oui les paroles de Jésus, si nous voulons le suivre, sont parfois bien rudes.
Dans un premier point, je voudrais dire un mot à propos de Dieu le Père, devant la souffrance de Jésus. Mes prédécesseurs vous l’ont certainement dit et répété, Dieu le Père n’a pas eu besoin de la souffrance de Jésus Son Fils. Car si cela avait été le cas, le Père en appelant Son Fils vers Jérusalem, l’aurait conduit dans un traquenard. Il y aurait eu ainsi une certaine complicité entre Lui et la violence exercée contre Son Fils. Ce qui est inimaginable. Mais alors, d’où vient le « Il faut » ? On sait dès le Premier Testament, par exemple avec le prophète Ézéchiel, que Dieu ne désire même pas la souffrance ni la mort des méchants. Comment donc pourrait-Il prendre plaisir à la souffrance de Son Fils bien-aimé ? Oui, redisons-le maintes et maintes fois, la souffrance, en tant que telle n’a aucun prix aux yeux de Dieu.
D’où vient ce « Il faut » si la souffrance n’a aucune valeur en soi, étant elle-même le plus souvent destructrice. Il arrive en effet des moments dans la vie, où, pour rester fidèles à un amour, nous sommes amenés à porter une souffrance incompréhensible. Ainsi, ce ne sont pas les souffrances du Christ qui nous sauvent, mais c’est l’amour qu’il a déployé jusqu’à l’extrême.
Un événement passé m’a aidé à mieux comprendre cela. C’est la mort des sept moines de Tibhirine en Algérie, en 1996. Vous vous en souvenez certainement, vous avez sans doute mémoire du film qui leur a été consacré. Cela se passait pendant la guerre civile algérienne. Leur monastère Notre-Dame de l’Atlas était situé dans une région très isolée, très dangereuse. L’Ambassadeur de France, le Préfet, leur avaient intimé l’ordre de partir. Mais malgré le danger, les moines ont voulu rester, non pas par obstination pour garder leur vœux cistercien de stabilité, mais en solidarité avec les gens du village avec qui ils avaient scellé une sorte d’alliance pendant les décennies précédentes. Je le dis avec mes mots mais c’est comme s’ils s’étaient dit : « ce n’est pas au moment où il y a un danger commun que l’on quitte ses amis ». Les moines se savaient donc très menacés et ils ont voté, comme le veut leur tradition, à bulletin secret, et à l’unanimité ils ont choisi de rester alors qu’humainement la voie était sans issue. Et deux survivants ont raconté qu’à ce moment-là, après la décision, tous les moines étaient dans une grande paix. Nous connaissons la suite tragique de ces événements mais nous pouvons dire qu’ils ont aimé comme Jésus, jusqu’à l’extrême, ils ont déployé leur amour de fidélité. Car quand on aime vraiment, on ne peut aller que jusqu’à l’extrême. Jésus ne pouvait nous sauver qu’en allant jusqu’au bout, en traversant la violence des hommes.
C’est pour cela que, depuis des siècles et des siècles, le symbole des Chrétiens est la Croix, cet instrument pourtant de torture. C’est un fait unique dans l’histoire des religions que l’on prenne comme symbole de rassemblement un symbole si épouvantable. Nous aurions pu garder comme symbole celui de l’agneau, celui du poisson des communautés primitives, ou encore celui du dauphin symbole d’immortalité. On aurait pu avoir comme symbole la pierre ronde du tombeau. Mais nous avons eu la Croix, symbole de mort, et en fait, pour les Anciens, symbole de l’amour qui va jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême.
Et nous avons cette grande chance, cette grâce à Saint-Ignace, d’avoir une croix qui nous vient d’Espagne, plus exactement de Catalogne. Elle a une originalité, le Christ est en croix mais Il n’est pas mort. Son visage est impassible, ses yeux sont grands ouverts ; on a l’impression que la souffrance n’a pas de prise sur Lui. Il est vêtu d’une longue tunique serrée à la taille, Il n’a pas de couronne d’épines. C’est le Christ de l’Apocalypse. Il est le Vivant. Il est aussi le Grand Prêtre de la lettre aux Hébreux, Lui qui nous ouvre un chemin vers le Père en passant par la mort. Et ses reins sont ceints, comme les Hébreux qui ont traversé la mer Rouge à pied sec. Les paumes de ses mains sont grandes ouvertes. Il nous transmet un message et j’espère beaucoup que ce message est entendu, notamment par tous ceux qui entrent ici et qui portent une lourde croix. Je pense spécialement à tous ceux parmi nous qui ont des maladies chroniques et qui, jour et nuit, souffrent dans leur corps. Nous en avons dans notre assemblée. Ils sont présents particulièrement à la messe de 8h30 car souvent ces personnes se lèvent tôt car ils ont du mal à dormir. Et j’espère qu’en regardant cette croix, ils entendent la parole de Jésus « Venez à moi vous tous qui peinez sous le poids du fardeau ». Je pense aussi à ceux qui viennent notamment en semaine et qui souffrent de maladie psychique, une maladie sans doute encore plus douloureuse que la maladie chronique. J’espère qu’ils entendent ce message : « mon joug apparemment difficile, est facile à porter. Et mon fardeau, facile à porter : viens te reposer auprès de moi, je peux venir mystérieusement habiter ta souffrance. »

Ce Christ en croix a certainement un message pour chacun de nous, nous avons à le deviner : peut-être qu’Il nous dit « et moi Je suis avec toi, Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ». Amen

P. N. Rousselot, Sj

PRIÈRE UNIVERSELLE

Père, voici nos intentions de ce dimanche. Fais-nous collaborer à ton règne :

REFRAIN: « Dieu de justice et de paix, que ton règne vienne »

« Nous n’intéressons pas beaucoup nos contemporains » reconnaissent les évêques de France en visite à Rome. Prions pour que notre Église en France poursuive avec foi et détermination, la mission de la Bonne Nouvelle de Jésus, spécialement auprès des personnes inattendues, souvent les plus pauvres d’entre nous. Seigneur nous te prions.

L’archevêque de Paris vient de publier une lettre Pastorale. Vu les changements considérables du monde, il invite à mettre « la fraternité au service de la mission ». Prions pour que notre communauté St Ignace développe cette année encore, toutes les formes possibles de fraternité. Seigneur nous te prions.

« Et pour vous qui suis-je ? » interroge Jésus aujourd’hui. Prions pour que chaque chrétien, en écoutant l’évangile de ce jour, renouvelle son amour de préférence au Christ vivant, notre Sauveur. Nous te prions.

5 ans après la tuerie du Bataclan, que de souffrance encore ! Prions pour tous ceux dont l’être profond est encore meurtri par ces évènements traumatisants. Prions aussi pour tous les exilés blessés par la nécessité de fuir leur pays. Seigneur nous te prions.

Dans un moment de silence, maintenant, nous pouvons confier au Seigneur nos intentions plus personnelles.

Père, nous t’offrons nos vies en cette eucharistie, où tu nous rejoins, Dieu vivant pour les siècles des siècles.