4e dim de Pâques C

Jn 10, 27-30

Saint Ignace, 11mai 2025   

Dominique Salin                    Version post papam

« Je suis le bon berger, le vrai berger (…) Mes brebis écoutent ma voix ; moi je les connais, et elles me suivent. »

Jésus, berger pour l’humanité.

C’est sous les traits d’un berger, vous le savez peut-être, que le Christ est représenté sur les premières fresques chrétiennes. Le crucifié est venu plus tard.

Un berger, donc

Certes, l’image n’est pas vraiment bouleversante. Et si nous voulons être parfaitement sincères, reconnaissons qu’elle ne nous touche guère.

D’abord, être considérés comme des moutons, ce n’est pas très flatteur.

Et puis, un berger, la plupart d’entre nous ne savent pas ce que c’est, ne savent pas en quoi consiste ce métier. Très peu d’entre nous, je pense, ont eu l’occasion de partager le quotidien d’un berger.

Très peu d’entre nous savent jusqu’où peut aller l’extraordinaire symbiose qui existe entre un berger et ses bêtes : il les connaît chacune individuellement comme un père connaît ses enfants.

Je parle d’un berger à l’ancienne, bien sûr ; pas un de ces bergers industriels qui, pendant l’été, gèrent plusieurs troupeaux, des centaines voire des milliers de bêtes à la fois sur les hautes pentes des Pyrénées ou des Alpes. Je pense aux bergers à l’ancienne, tels qu’on peut encore en rencontrer, par exemple aux confins du Pays Basque et du Béarn, comme mon ami Pierre Peres, près de Mauléon-Licharre, à Arrast-Larrebieu…

Le lien qui lie le berger à ses bêtes, c’est de l’amour. Le berger n’est pas un exploitant. La vie de ses brebis lui est plus chère que la sienne propre. Pour elles, il est prêt à tout risquer.

À la vue des foules sans berger, Jésus, dit l’évangile, était bouleversé, littéralement : « pris aux entrailles ».

En effet, un troupeau de brebis abandonné de son berger est condamné à la disparition. Les brebis se dispersent, et elles meurent : elles tombent dans des ravins, elles sont la proie des chiens errants, ou des ours, ou des loups. Les brebis ne sont pas comme les chèvres, qui peuvent être indépendantes. Les brebis sont tellement imprégnées d’humanité, par leur commerce quotidien et étroit avec l’homme depuis des millénaires que, sans un bon berger, elles ne peuvent pas survivre. Les brebis ne sont pas très intelligentes, c’est vrai. Elles ont besoin d’un berger.

Jésus berger, bon berger, vrai berger. Il n’est pas comme les autres bergers, ces leaders qui se présentent sur le marché électoral, comme nous le voyons à l’époque qui est la nôtre. Dans des démocraties défaillantes, ils exploitent le sentiment d’insécurité des foules en leur proposant des programmes énergiques, des formules à poigne, qui rétabliront le bon vieil ordre de jadis. Un berger n’est pas un führer : un berger ne marche pas en tête du troupeau. Il suit ses brebis. C’est la brebis de tête qui guide le troupeau, celle qui porte la sonnaille. Le berger, lui, parle aux brebis, elles entendent sa voix. Sa voix les rassure, leur donne confiance.

Les hommes ont besoin qu’on leur parle, et qu’on leur parle de ce qui les touche au fond du cœur, au meilleur d’eux-mêmes.

Jésus, dans l’évangile, a une manière de parler qui touche les cœurs des hommes : « ils reconnaissent ma voix », dit-il.

Je vous invite à vous interroger : est-ce que je prends le temps, de temps en temps, d’écouter la voix de Jésus. La voix de Jésus, pas seulement ses paroles, pas seulement ses paroles telles que les répète et les commente monsieur le curé à la messe du dimanche. Sa voix, son accent, unique.

Me mettre en état d’entendre la voix de Jésus. C’est-à-dire de me mettre en sa présence. Quand j’entends la voix de ma sœur au téléphone, elle n’a pas besoin de se nommer : instantanément, je la reconnais, elle est là, présente, bien qu’elle soit à des centaines de kilomètres de chez moi.

Me mettre en présence de Jésus. C’est-à-dire, d’abord, se poser. Faire silence. Laisser remonter à ma mémoire un mot, une phrase du Christ lue ou entendue récemment. Ou une phrase qui remonte de mon passé, de mon enfance, peut-être, du temps où j’ai découvert l’évangile.

Cette phrase, ce mot, je le laisse se déployer en moi, résonner en moi, m’habiter. Ecouter les échos qu’il suscite.

Cela, c’est une manière de prier qui vaut bien des chapelets et des neuvaines. Parce que c’est la parole de Dieu lui-même, tel qu’il s’est rendu audible aux hommes en Jésus de Nazareth.

Laisser Dieu me parler ! Cesser, au moins de temps en temps, de lui parler ! Cesser de lui exposer, en long et en large, mes besoins, ceux des personnes qui se confient à nos prières, comme on dit. Comme si le Seigneur avait besoin d’en être informé !… Faire silence, écouter sa voix.

Cette manière de prier n’est pas réservée aux moines. C’est le dimanche des vocations, justement. Tout le monde a le droit de se sentir interpellé, personnellement, par Jésus. Cette manière de prier est pour tout le monde. Bernadette Soubirous le savait très bien. Il est vrai qu’elle s’y connaissait en moutons.

Comment, pour terminer, ne pas avoir une pensée pour le Pape Léon ?

Nous avons dans l’oreille et dans le cœur ce qu’il nous a dit jeudi soir :

«La paix soit avec vous tous». Telle est la première salutation du Christ ressuscité, le bon pasteur qui a ouvert la voie au troupeau de Dieu. Je voudrais moi aussi que cette salutation de paix entre dans vos cœurs, qu’elle parvienne à vos familles, à tous les hommes, où qu’ils soient, à tous les peuples, à toute la terre.»