« La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux »

 

Dimanche 3 juillet 2022

 

 

Plusieurs fois par an, la liturgie nous fait entendre ce discours de Jésus aux premiers disciples. Et je dois avouer que, les années passant, je trouve que ces paroles ne sont pas simples à entendre ! L’étendue et la difficulté du travail à accomplir y sont bien explicitées.

La tâche, si je considère tout d’abord ce que dit Jésus. Rapportée au nombre d’ouvriers, elle est trop grande ! « La moisson est abondante mais les ouvriers sont peu nombreux ». Et si ceux qui s’engagent dans ce travail comprennent désormais qu’ils seront en minorité [vous/moi], Jésus ajoute que leurs capacités et leurs forces seront également mises à l’épreuve. Écoutons bien ce que dit Jésus : « je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups ». Ce qui signifie que la mission est périlleuse, voire insensée. Il reste que le disciple se fonde sur cette parole de Jésus à laquelle le disciple a décidé d’obéir.

Qu’en est-il des moyens, second volet du discours de Jésus ? Manifestement, ils sont insignifiants « ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales » au point que même les relations humaines qui pourraient constituer une forme d’assurance ne doivent l’être : « ne saluez personne en chemin ».

Il est logique de se demander si cette pastorale permettra au disciple de connaitre une réussite ou un échec ? Jésus ne promet rien : soit le salut de paix proféré par les disciples rejoint un ami de la paix permettant aux disciples de demeurer dans sa maison ; soit cette salutation n’est pas accueillie et le disciple se voit refoulé. Et dans cette situation de refus, il ne doit rien emporter. Voyez ce qu’il en est de la poussière des chaussures : elle doit être laissée sur place !

Enfin, le message à transmettre est en cohérence avec ces souhaits de Jésus. Le message est bref. Pas un mot n’est de trop : « Le règne de Dieu s’est approché de vous ». Notez que c’est la même parole à tenir auprès de ceux qui accueillent le disciple comme de ceux qui l’éloignent !  Quant aux gestes qui manifestent que ce Royaume est proche, ils sont simples : guérir les malades.

Lorsque nous parlons de pastorale dans l’Eglise, nous pouvons être conduits par un désir de stratégie, de construction. Mais à écouter Jésus, la pastorale qu’il promeut est légère ; elle est même déconcertante puisqu’elle ne fait aucunement appel aux moyens que nous aurions utilisés pour une entreprise de cette taille. Mais précisément, l’entreprise n’est pas humaine mais divine. Il s’agit du Règne de Dieu et donc d’accepter que nous ne soyons pas au premier rang. Nous devons céder notre place car, qu’y a-t-il de plus important :  l’ouvrier qui annonce le Règne ou Dieu lui-même qui prend la parole à travers lui ? Posé sous cette forme d’alternative, le discours de Jésus se comprend bien mieux ! Pourquoi s’encombrer, se charger de choses diverses et en finale, se prendre au sérieux si l’important est d’être à l’écoute de Dieu, de se laisser saisir par son Esprit et de l’interpréter au mieux. En un mot : se laisser agir plutôt qu’agir ;  être disponible pour pouvoir écouter et non parler… et si nous devons parler, d’écouter en parlant ! Car nous le savons, la Parole de Dieu est ce qui fonde et renouvelle toutes choses.

Dommage que nous ne soyons pas très nombreux, pensons-nous ! Qu’à cela ne tienne, prions le Maître d’envoyer de nouveaux ouvriers, de nouveaux disciples à la moisson. Oui n’hésitons pas à prier Dieu car ce que nous ferons[vous/moi] pour que son Règne arrive ne peut être qu’un fruit du don qu’Il dispense à notre égard. Le disciple de Jésus n’a guère de pouvoir humain mais il reçoit de Jésus la possibilité de soumettre les esprits mauvais qui emprisonnent l’univers. Ne soyons pas surpris par cette affirmation puisque l’on sait que Jésus a vaincu le monde et celui qui le tenait en otage : « Je regardais, dit Jésus au retour des 72 disciples, Satan tomber du ciel comme l’éclair. Voici ce que je vous ai donné: le pouvoir d’écraser les serpents et les scorpions, et sur toute la puissance de l’Ennemi : absolument rien ne pourra vous nuire. Mais ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis, mais réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux ».

Tel est le Règne de Dieu et le serviteur que Dieu appelle pour cette mission. Si le Règne de Dieu vient à nous avec puissance, le serviteur -lui- se voit qualifié d’inutile ! Telle est l’Église que nous formons : un peuple qui ne doit pas craindre car comme nous l’a dit notre Seigneur : « Ne crains pas, petit troupeau, je t’ai racheté et donné le Règne ».

Philippe Marxer sj