La Parabole de la Tranquillité et du Grand Acte de Foi
Dimanche 13 juin 2021 – Messe au Pas des Enfants
Mc 4, 35-41
Je voudrais ce matin rester seulement sur la première parabole, tellement celle-ci réclame de l’attention. Un homme sème du grain, nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. On a appelé cette parabole, « la parabole du grain qui pousse tout seul ». Tout se passe comme si l’homme ne s’occupait de rien. Il a planté le grain, il ne voit rien apparaître, mais ce n’est pas grave, il fait confiance au travail de la terre. Vous en conviendrez, c’est une histoire très simple, voire simplette. Mais on a appris à se « méfier » des histoires de Jésus apparemment simples, mais qui ont en fait une profondeur insoupçonnable.
Regardons tout d’abord son contexte. Cette parabole arrive au moment où les gens ont des doutes sur Jésus, à commencer par les apôtres : « Tu nous annonces que le royaume de Dieu est là, mais comment se fait-il qu’on ne le voit pas ? Des foules nous ont suivis un moment, mais nous ne nous retrouvons maintenant qu’une douzaine. Même Jean-Baptiste, lui qui t’a annoncé, en est venu à se demander : « Es-tu celui qui va venir ou devons-nous en attendre un autre ? ». Même toi, Jésus tu n’as pas pu convertir les gens de ton village ni même ta famille ! » Cette parabole est très importante car de toutes les paraboles du royaume, c’est elle la plus optimiste, celle qui a nourrit le plus l’espérance. Regardons aussi le contexte dans lequel Marc écrit son évangile. Il s’adresse aux catéchumènes de Rome. Beaucoup de spécialistes s’accordent pour dire que l’Évangile en son entier était lu lors de la veillée pascale, juste avant les baptêmes. Et les catéchumènes aussi avaient des questions comme Jean-Baptiste ou les apôtres. Dieu a fait germé un peuple nouveau et on ne voit pas grand-chose une ou deux générations après. Pourquoi le peuple juif ne s’est pas converti après la résurrection de Jésus ? Le grand mouvement qui a commencé après la Pentecôte semble finalement arrêté ? Pourquoi l’Esprit ne change pas le monde en un éclair et pourquoi ne nous rend-il pas plus vite meilleur ? Pourquoi l’Eucharistie fait si peu d’effet ? Sa puissance de transformation semble si lente. Ainsi, cette petite parabole à 3 sous est d’une importance capitale car elle vient toucher deux vertus principales : la confiance et la patience. Elle rejoint une sorte d’angoisse que tous, nous avons partagée. Et Jésus veut donner à ses apôtres le modèle de l’agriculteur. Il fait confiance à la terre et à la force de vie que Dieu a mis dans la semence. Une fois que le grain est lancé dans la terre, l’agriculteur accepte que cela lui échappe. Il a compris que la croissance ne se fera pas au rythme de l’homme. Lui il s’endort, se lève, vaque à ses occupations, mais il a confiance dans le rythme de Dieu qui encore une fois n’est pas le sien mais qui se manifestera en plusieurs étapes : quand le blé sera en herbe, quand il deviendra un épi, et quand il y aura des grains dans l’épi. Cette parabole me rappelle l’histoire d’un grand-père qui invitait ses petits-enfants l’été. Il aimait bien faire le jardinage avec eux mais l’un de ses petits enfants ne voulait pas croire qu’une petite graine de rien du tout allait donner un jour une plante. Le grand-père lui avait bien dit qu’il fallait attendre, faire confiance. Que pour germer, la plante d’une certaine manière doit mourir. Mais le petit garçon avait tellement envie de savoir ce qui se passait sous terre qu’il est allé deux ou trois jours après creuser dans la terre pour voir la transformation. Et bien sûr, l’écosystème a été dérangé et la graine n’a pu germer. Le petit garçon n’avait pu entrer dans la démaîtrise.
Cette parabole est une spéciale dédicace pour les éducateurs, les parents, les religieux. Ce qu’on sème un jour portera son fruit, même si parfois nous n’apercevons pas grand chose à l’arrivée, ou si nous avons semé dans les larmes. Cette parabole nous donne une forme de tranquillité, d’abandon, de confiance. Mais paradoxalement, elle nous parle d’un immense acte de foi : celui de croire que les forces invincibles de l’Esprit sont à l’œuvre de manière cachée, et travaillent le monde. Nous ne savons pas comment mais nous croyons que Dieu travaille la terre de ce monde. C’est, vous en conviendrez sans doute, un immense acte de foi. Je vous propose de le faire maintenant, pendant un petit moment de silence.
P. Nicolas Rousselot