Jean-François est un fidèle de Saint-Ignace. A l’occasion de la journée mondiale des pauvres du dimanche 15 novembre qui est aussi la journée du Secours Catholique, il a accepté de nous parler de son engagement à l’équipe Migrants de la délégation de Paris.
Je vais vous raconter l’histoire de F. qui illustre, sans doute de façon presque caricaturale, mais il s’agit d’un cas bien réel, les difficultés du ‘sans papier’ et ce que nous nous efforçons de faire pour l’aider.
F avait un titre de séjour en sa qualité de mère d’un enfant français. Elle avait un travail et était locataire de son logement. Elle élève seule son enfant.
Son titre de séjour était régulièrement renouvelé jusqu’à ce que la préfecture de police ait un doute sur la nationalité française du père de l’enfant et donc sur celle de ce dernier et décide de ne plus renouveler le titre de séjour. F n’a plus l’autorisation de travailler ; elle perd donc son travail et la quasi-totalité de ses droits sociaux ( allocation familiale, aide au logement Elle ne peut s’inscrire à pôle emploi.
Quand F vient nous voir, elle a consommé ses économies, est allée au bout du soutien financier qu’elle pouvait obtenir de ses amis, elle est menacée d’être expulsée de son logement et de se voir couper l’électricité. Elle sollicite notre soutien matériel, mais il est évident que la modestie du soutien qui lui est accordé, n’est pas une solution durable.
Il faut faire revenir la préfecture sur sa décision. Nous contactons un avocat qui accepte d’intervenir contre une rémunération symbolique .Une action en référé est engagée devant le tribunal administratif, sans succès. En appel devant le Conseil d’Etat, celui-ci, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, fait injonction à la préfecture de rétablir F dans ses droits.
La préfecture délivre un titre provisoire mais qui n’autorise pas F à travailler.
Il faut agir à nouveau. J’aide F à rédiger un recours hiérarchique devant le ministre de l’intérieur faisant valoir que la nouvelle décision de la préfecture ne répond pas à l’intérêt de l’enfant invoqué par le Conseil d’Etat puisqu’il laisse F sans ressources. Le ministre nous donne raison.
Simultanément une action devant le tribunal judiciaire était engagée afin de régler le problème au fond et de trancher la question de la nationalité du père. Ce tribunal après de nombreux mois de procédure finit par confirmer cette nationalité et F est définitivement rétablie dans ses droits.
Il s’est passé plus de deux ans pendant lesquels F était sans ressources, a traversé des périodes de déprime et connu des accidents de santé entraînant son hospitalisation. Nous lui avons apporté une petite aide matérielle, mais également et peut-être surtout nous avons fait preuve à son égard d’une compréhension la plus complète possible de ses difficultés, ce qu’aucun de ses interlocuteurs ( fonctionnaires de la préfecture, bailleur, fournisseur d’énergie …) ne peut et ne sait lui apporter.
Nous nous sommes efforcés de convaincre F, tout au long de ses péripéties qu’une solution était possible et qu’elle devait tenir.
Dans bien des cas, il n’y a pas dans l’état actuel de la législation de solution possible à court terme, mais ce constat difficile à faire admettre par notre interlocuteur n’aboutit pas à convaincre ce dernier de faire en sens inverse le chemin périlleux et douloureux qu’il a parcouru pour gagner la France. Alors, au risque d’être accusé de soutien à la présence en France d’étrangers en situation irrégulière, nous l’éclairons sur ses droits, notamment celui d’être soigné, grâce à l’aide médicale d’état (AME), nous lui disons comment se mettre en situation à terme, de déposer une demande de titre de séjour, et les différentes équipes du Secours Catholique lui apportent leur soutien ( aide matérielle, enseignement du français…).
Au-delà de la conviction de faire personnellement simplement mon devoir d’accueil de l’étranger, je participe à la connaissance que le Secours Catholique développe des raisons profondes qui conduisent tant d’étrangers, africains, maghrébins…, jeunes ou non, à quitter leur foyer, souvent au péril de leur vie, pour se donner ainsi les moyens de contribuer à changer le regard de notre société sur l’étranger, notre prochain.
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