Mgr Luc RAVEL, archevêque de Strasbourg, nous confie les leçons qu’il tire du premier confinement.
Je continue de chercher une lecture véritablement spirituelle et évangélique de cette crise. Car la question qui se pose est celle de savoir ce que Dieu veut nous dire à travers cet événement mondial sans précédent.
Je regrette d’être resté trop loin des gens, des pauvres, de n’avoir pas pu me rendre au chevet des malades, des personnes âgées, des mourants. Je regrette de n’avoir pas été plus attentif à mes prêtres, même si, avec mes collaborateurs proches, nous les avons régulièrement appelés. Je ne souhaite plus de prêtres seuls dans leur presbytère car ils ont beaucoup souffert de la solitude – les seuls qui s’en soient bien sortis sont ceux qui ont vécu le confinement à trois ou quatre. Et j’inviterai aussi tous mes prêtres à bricoler ou jardiner. Une autre de mes frustrations, pendant le premier confinement, a été de ne pas avoir pu visiter mes aumôniers d’hôpitaux alors qu’ils avaient tant à partager, à confier.
Dans ce désastre immense, ce qui m’attriste le plus, c’est la situation des jeunes : pour la première fois dans l’histoire, on demande à la jeune génération de gagner une guerre en restant dans leur canapé. Je souhaiterais, au contraire, qu’ils puissent se porter volontaires pour être formés en vue d’aller aider dans les hôpitaux et les Ehpad où l’on manque de bras.
Nous renouons avec les civilisations de l’incertitude. Nous, Occidentaux, étions tellement habitués à ce que tout arrive de manière précise et prévisible pour nos transports, nos rencontres, etc, que nous avions oublié que ce n’était pas le cas il y a encore moins d’un siècle, lorsqu’on n’était jamais sûr de l’arrivée d’un courrier ou d’un bateau. Aujourd’hui, face à cette immense incertitude, nous sommes obligés de réinventer des capacités d’adaptation qui ailleurs, dans le monde, n’ont jamais cessé d’exister.
Propos recueillis par Claire Lesegretain, pour La Croix, le 01/11/2020.