“Les attaques qui se sont récemment produites à la basilique Notre Dame de Nice nous ont bouleversés et perturbés. Notre intention, avec mes enfants, était d’entrer en contact avec ceux dont l’esprit et le corps ont été meurtris par ces attentats, pour les accompagner dans leur douleur, les aider à se reconstruire, à faire de cette grande douleur une force pour lutter le plus efficacement possible contre ce fléau du terrorisme.

Quand on n’a pas connu cette souffrance, on ne peut pas imaginer à quel point c’est douloureux. (…) Beaucoup de gens pensent que c’est un deuil normal, qu’il faut laisser passer le temps. En fait, non, c’est un deuil que l’on n’accepte pas. Je refuse de faire le deuil de mon frère sacrifié en martyr devant son autel. Je me demande si je refuse de faire le deuil ou si je ne peux pas. J’ai entendu une personne qui parlait des attentats contre Charlie-Hebdo, et elle avait les mêmes ressentiments, les mêmes paroles que nous. On ne s’en remet pas vraiment. On ne s’en remettra jamais. Mais il faut trouver un chemin pour se reconstruire, faire de cette immense douleur une immense force et s’unir les uns les autres pour que la parole des victimes soit plus écoutée et prise en compte.

Personnellement, il m’a fallu un an pour me reconstruire et réfléchir à quel chemin prendre pour que ma vie ait un sens et j’ai décidé de marcher sur les pas de mon frère. Auparavant, ma foi était ce qu’elle était. J’ai cru que je la perdrais après le sacrifice de mon frère et que je crierais à la vengeance. (…) Je cherchais mon chemin en me demandant : «Qui peut souffrir plus que moi?». Et c’est une question qui n’a pas de réponse. Alors je me suis tournée vers la maman de ce jeune homme qui a participé au martyre de mon frère. Je me suis mise à sa place, je me suis dit: «Quelle serait ma souffrance si c’était mon fils qui avait fait une telle chose?» »

J’ai prié pour marcher sur les traces de mon frère, à son image, celle du pardon qu’il a accordé à ces jeunes gens à l’esprit perturbé, à la santé mentale maléfique. J’ai trouvé la paix ainsi qu’une grande force.

Pour ceux qui n’ont pas la foi, je pense qu’il faut se tourner quand même vers l’Église ou inventer sa prière, parler à Dieu. Au début c’était envers Dieu que j’étais en colère. Je lui demandais des comptes et j’étais incapable de prier. Et puis, il y a eu des rencontres importantes avec d’autres personnes pour mieux se connaître, mieux se comprendre, mieux partager nos opinions, sans jugement. Pour ceux qui n’ont pas la foi, la rencontre est importante. Avec d’autres personnes qui ont connu cette douleur, ou pas ; avec ceux qui souffrent d’une autre douleur et qui ont aussi du mal à pardonner. Même si on n’a pas la foi, formuler une prière personnelle avec ses mots, même s’ils ne sont pas adaptés. Mais s’adresser au Créateur de ce monde, cela peut donner beaucoup de force. »

(le 14 novembre, Radio Vatican, au micro d’Olivier Bonnel).