Homélie 4ème dimanche de Carême Année A

Lorsque Jésus dit qu’il est Lumière du monde, cette affirmation mérite que nous nous y arrêtions. La guérison que St Jean rapporte à notre intention constitue une aide précieuse car la lumière que procure Jésus pour nous joue différemment que celle du soleil. Elle ne consiste pas par rendre visibles les choses car, pour lui, nos yeux sont malades. Nous sommes aveugles. La lumière qu’il apporte commence toujours par caresser nos yeux pour les ouvrir et purifier notre regard. Et le but recherché est notre cœur afin qu’il soit, lui aussi, pénétré de cette lumière et que nos vies, nos existences, nos êtres deviennent lumière. Si notre œil est lumière, notre corps le sera aussi tout entier et pourra resplendir.

Comment Jésus s’y prend-il avec nous ? Il procède en deux temps. Le premier temps consiste, pour cet aveugle de naissance, à retrouver la vue, ce qui lui permet d’accueillir le monde et les hommes. Quant au deuxième temps, la guérison porte sur le regard intérieur. Jésus le restaure au moment où cet homme, une fois, guéri, se trouve face à Jésus. Ce regard permet de reconnaître Jésus pour ce qu’il est.

Mais, revenons sur ce premier regard, sur cette première guérison. C’est Jésus lui-même qui opère, avec de la terre et sa salive. Que comprendre ? Que, Jésus, en qui le Père a tout créé, est cette lumière qui ouvre notre regard aux beautés du monde. Nous sommes entourés d’un amour que nous avons à percevoir. Tout ce que nous admirons, sans vraiment savoir pourquoi, -un paysage, la nature, etc.- est le reflet de cette beauté invisible que Jésus est en lui-même et qu’il distille sans cesse à notre intention dans ce monde. Notre œil analyse, décompose, unifie et perçoit cette beauté invisible. Et reconnaissons-le,  certains regards que porte sur nous nos sœurs et nos frères peuvent nous faire pressentir la grandeur de l’amour divin, la profondeur du regard de Dieu.

Ces regards-là pressentent, suscitent le regard intérieur, celui que Jésus restitue précisément à l’aveugle, lors de la deuxième rencontre. Il s’en suit que la guérison est totale. Cet homme voit la lumière que Jésus incarne et devient à son tour lumière : « Crois-tu, lui demande Jésus, dans le Fils de l’homme ?  « Et qui est-il, Seigneur, pour je croie en lui ? Jésus lui répond : « tu le vois, et c’est lui qui te parle ». Comme Jésus l’a dit, ce qui est caché aux sages et aux savants devient évident pour celui qui est touché par la lumière de Jésus.

Que Jésus ouvre les yeux intérieurs de quelqu’un est pure miséricorde de sa part. Personne ne peut y prétendre et seul celui qui a reçu cette grâce peut tenter de l’expliquer. Rien d’étonnant que cet homme de l’Evangile soit expulsé de la synagogue car Jésus l’a fait entrer dans son secret, dans l’intimité qu’il entretient avec son Père. Notre homme voit alors ce que les autres ne voient pas et sa vie, peut-on dire en est affectée, comme dérobée, enlevée au monde. J’en veux pour preuve le silence qu’il oppose ou ce regard silencieux qu’il pose sur celles et ceux qu’il rencontre et qui témoigne de la purification que Dieu a opéré en lui.

Cependant, cet homme devient lumière du monde sans en connaitre la raison. Il ne cherche pas d’ailleurs à en comprendre le comment. Par le fait qu’il lui a été donné de voir ce que l’œil n’a pas vu, ce que Dieu a préparé à ceux qu’il aime, il éclaire les autres… et attend que Jésus revienne pour se donner à voir tel qu’il est.

Père Philippe Marxer