24ème dimanche ordinaire A ( Mt 18, 21-25) par le Père Angel Benitez-Donoso SJ

La liturgie de ce dimanche nous rappel la bonne nouvelle du pardon de Dieu. Le problème c’est qu’on a tellement entendu parler de ce pardon que nous avons oublié que c’une bonne nouvelle et nous l’avons réduit à un commandement : Il faut pardonner. C’est une réduction dangereuse car elle peut donner l’impression que, si quelqu’un nous a fait du mal, nous n’avons pas le droit de souffrir ou d’être blessés et que nous devions immédiatement faire comme si rien ne s’était passé. Si ça serait le cas, le pardon n’est plus une bonne nouvelle et il devient un fardeau qui finit par redoubler notre souffrance : je souffre à cause du mal qu’on m’a fait et je souffre parce que je pense que je ne devrais pas souffrir à cause du mal qu’on m’a fait.

Dieu ne nous demande pas de ne pas souffrir ou de ne pas avoir de blessures, mais plutôt de ne pas nous enfermer dans la douleur et la rancune. Pardonner n’est donc pas d’abord une question de volonté, car souvent, même si on veut pardonner à l’autre, on n’en est pas capables, mail il s’agit plutôt d’une question de foi : croire que la douleur et la Croix sont réelles mais qu’elles n’auront pas le dernier mot, garder l’Esperance que de nos blessures Dieu peut faire jaillir une vie nouvelle.

La première chose à faire est donc de reconnaître nos blessures pour laisser Dieu avoir un mot dans nos blessures, dans notre vie réelle. Ce à ce moment-là que nous pouvons essayer à marcher sur le chemin du pardon. En effet, le pardon n’est pas un acte statique que je prononce et c’est tout, mais plutôt un chemin dynamique qui doit être parcouru. Parcouru par les deux parties (celui qui a fait le mal et celui qui l’a subi), si non, on ne peut pas parler de véritable réconciliation. Et cela prend du temps (et si les blessures sont profondes, ça peut prendre beaucoup du temps !). Il y a de nombreuses petites étapes doivent être franchies avant de pouvoir se retrouver face à face.

Maintenant on comprend mieux de quoi nous parle l’Évangile d’aujourd’hui. Car Pierre est toujours dans la logique du commandement : « combien de fois dois-je pardonner ? ». Le pardon donc comme un fardeau qui nous tombe d’en haut et il faut porter avec nous. Cependant, Jésus l’invite à changer de regard avec cette parabole qu’on connait bien :

Un homme doit une somme astronomique à son roi et, comme il n’est pas en mesure de la payer, la justice demande qu’il soit vendu. Néanmoins le roi va avoir pitié de lui. Le problème est que cet homme oublie rapidement comment il a été traité par son roi, ou pire, pense qu’il méritait de se faire remettre sa dette, comme s’il avait un quelconque mérite devant son Seigneur. Et donc il commence à maltraiter son concitoyen qui lui doit une petite somme.

Les paroles de Jésus nous invitent à changer notre regard. Le pardon n’est pas un commandement qui vient du ciel mais plutôt la réponse qui vient du cœur de l’homme qui se reconnait comme créature devant le Créature. Le désir de celui qui reconnait que les choses les plus importantes de la vie nous ont été données gratuitement, sans les avoir mérités. Ou même plus, ayant souvent mérité de ne pas les avoir reçus : combien de fois avons-nous gaspillé ce don de la vie, combien de fois avons-nous maltraité cette maison commune, combien de fois avons-nous méprisé le frère qui était devant nous, combien de fois avons-nous maltraité la vocation à laquelle nous sommes appelés… et pourtant Dieu continue d’être fidèle.

Ce n’est qu’en reconnaissant l’incommensurabilité de l’amour de Dieu, la démesure de sa fidélité et de sa miséricorde envers nous, que nous pouvons oser emprunter le chemin du pardon, ce n’est qu’en nous reconnaissant humblement et avec gratitude comme des créatures que nous pouvons permettre à Dieu d’avoir une parole d’espérance dans nos blessures. Que cette Eucharistie nous aide à continuer à découvrir la folie d’un Dieu qui se donne totalement et gratuitement à nous.