HOMELIE DIMANCHE 14 OCTOBRE (Mc 10, 17-30)

Habituellement c’est un malade, un infirme, un lépreux qui vient à la rencontre de Jésus, qui accourt vers lui, tombe à ses genoux et qui le supplie. Aujourd’hui, c’est très spécial, c’est quelqu’un de riche (Matthieu précise : c’est un jeune homme riche). Il court comme un pauvre alors qu’il est bien habillé. Sa démarche est assez démonstrative, certainement sincère, mais sa question est bizarre : « Bon maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? » Sa demande ne se fait pas en « Tu », comme le lépreux : « si tu le veux tu peux me purifier ». Lui dit : « Que dois-je faire ? » : il a besoin qu’on décide à sa place. On peut comprendre que Jésus est agacé par cette personne. On voit que Jésus, on dirait aujourd’hui dans le langage un peu cru, vient le « casser ». « Pourquoi m’appelles-tu ‘bon’- un seul est bon ? » Jésus refuse ce compliment « bon maître ».  Jésus le renvoie au Père et voit que cette attitude d’arriver vers lui en trombe n’est pas juste.

Jésus enclenche quand même la rencontre et lui répond en citant la deuxième table de la loi, ce qui concerne nos relations fraternelles (curieusement, il ne cite pas la première table qui concerne Dieu lui-même (retenons cela). Le dialogue continue : cette deuxième table de ne pas tuer, de ne pas commettre d’adultère, ne pas voler, ne pas porter de faux témoignage, d’honorer son père et sa mère, « je l’ai fait jusque depuis ma jeunesse » – sous-entendu, je suis un bon juif, mais il me manque quelque chose de plus et c’est pour cela que j’accours vers toi. Nous avons alors un retournement de situation : « Jésus posa son regard et l’aima. » C’est la première fois en Marc, qu’apparaît ce verbe aimer et c’est l’unique fois dans les synoptiques (sauf Jean) que Jésus est sujet du verbe aimer. Il doit donc se passer quelque chose de très important. D’autant plus qu’on a vu dans un premier temps que Jésus était agacé par cet homme trop démonstratif à la question très autocentrée. Comment se fait-il que l’évangéliste nous dise que Jésus posa son regard et l’aima ? Comme si Jésus n’aimait pas toutes les autres personnes qu’il regarde ! Il faut creuser ce passage.

Jésus vient de rencontrer quelqu’un qui exprime un manque de quelque chose alors qu’il a tout. Il entend le désir de cet homme pourtant encombré d’un tas de choses. Or Jésus a tant rencontré des gens satisfaits d’eux-mêmes et en premier lieu les pharisiens, des observants qui n’ont aucun manque, qui n’expriment aucun désir ! Il a enfin quelqu’un devant lui quelqu’un qui n’est pas pauvre et qui exprime un désir ! C’est si rare ! Son amour pour lui n’a rien de naturel car cet homme doit toujours l’agacer, mais cet agacement est dépassé parce qu’il entend le désir, il entend le fond derrière les apparences. Je crois que c’est la façon dont Jésus nous aime actuellement :il est agacé par un tas de choses dans l’Église, dans chacune de nos vies ; mais dès qu’il entend notre désir, il entend l’Esprit de son Père et il est heureux ! la relation peut se faire.

« Une seule chose te manque » dit Jésus : tu veux vivre libre. Eh bien, vends tout ce que tu as donnes le aux pauvres, comme cela, tu pourras me suivre, tu pourras devenir un disciple, tu partiras dans la grande aventure. A ce moment-là, survient un événement très intéressant pour nous qui suivons la spiritualité ignatienne. On dit : « A ces mots, il s’assombrit et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens. » C’est la désolation qui survient mais une désolation qui vient de l’action de l’Esprit Saint. Tout d’un coup, la tristesse l’envahit parce que la vérité l’a touché, elle vient dévoiler son intériorité. Il a ce désir qui monte au contact de Jésus, mais la parole telle une lame à deux tranchants vient lui révéler qu’il a un autre Dieu qu’il suit secrètement. Il a ce fil à la patte, ce boulet de bagnard, qui fait que la tristesse comme un couvercle vient bloquer ce désir ou au moins l’enfermer. Cet homme a un dieu, ce Dieu c’est son bien, son argent, son avoir. Il a observé la loi, la deuxième table mais en fait, il n’aime pas Dieu parce qu’il en a un autre. Jésus avait vu juste : il n’observe pas la première table de la loi. Il faut aller encore plus loin : il a en lui une mentalité de propriétaire : il veut « acquérir » la vie éternelle comme on acquiert un bien de plus. Il fait des grands discours mais il n’a pas encore la foi.

Cette tristesse qui vient de l’action de Dieu est pour lui est un signal si fort qu’il quitte le contact avec Jésus, il se retire. Mais, cette tristesse, nous l’espérons, va faire son œuvre en lui. Cette insatisfaction profonde, un certain nombre d’écrits  l’ont exprimé, en racontant par exemple, qu’au vendredi saint, parmi les gens qui regardent la croix, il y a ces quelques femmes disciples et auprès d’elles, le jeune homme riche qui attend son salut.

Cet évangile est difficile à déchiffrer, il est extrêmement puissant : nous voyons Jésus passer d’un agacement évident à un amour profond qui laisse l’homme libre faire son chemin, car Jésus ne le retient pas mais il est sûr que la tristesse qui vient de l’Esprit Saint va continuer son œuvre. Cet évangile est un enseignement pour moi, pour vous. Il nous dit en quelque sorte : dans chacune de nos vies, il y a un oui au Christ que je n’ai pas encore dit et qui me rend insatisfait voir triste. Seigneur, au milieu de toutes nos joies, nous te demandons la grâce de peu à peu découvrir cette insatisfaction, cette tristesse, de découvrir ce qu’elle cache, si elle vient de toi. AMEN

Père Nicolas Rousselot sj

PRIERE UNIVERSELLE dimanche 14 octobre 28ème TO B

 

(PDT) Seigneur, nous venons vers toi avec nos désirs, nos manques, notre bonne volonté. Accueille nos prières, nous te supplions :

 

 

Dans l’Évangile, nous voyons Jésus agacé par cet homme qui accourt vers lui et qui s’impose. Seigneur, nous aussi, nos vies sont constellés d’agacements de toutes sortes. Il se peut aussi que nous agacions les autres. Fais que ces agacements deviennent peu à peu des tremplins pour plus de patience, plus d’amour, des lieux de conversion. Nous t’en prions

 

Dans l’Évangile, nous voyons que Jésus, bien qu’agacé, pose son regard sur cet homme riche et se met à l’aimer. Nous sommes attristés, contristés, voire révoltés par tant de choses dans le monde. Que ce regard d’amour, nous le posions aussi de plus en plus, sur le monde, avec ta grâce. Que nos pauvres espoirs humains deviennent peu à peu des regards positifs, lucides mais ancrés solidement dans ton espérance, nous t’en prions.

 

Nous contemplons cet homme devenir sombre et repartir le regard tout triste, et nous te confions toutes les personnes si tristes, insatisfaites par les modèles de société qui nous sont proposés voir imposés. Cette insatisfaction, cette tristesse a une consonance spirituelle. Elle est même une pierre d’attente pour imaginer un avenir. Nous te la confions Seigneur.

 

 

 

Père, nos patiences, nos victoires sur nous-mêmes, notre espérance, nous les portons vers toi, en ton Fils Jésus qui vient nous prendre en cette eucharistie, Dieu vivant, pour les siècles des siècles.