MESSE DES FUNÉRAILLES : Petr Kolar

Saint-Ignace, mardi 30 mai 2023 (18h30)

Petr Polar a rejoint la maison du Père, le 23 mai dernier, suite à un grave accident de chemin de fer. Plusieurs d’entre nous l’ont bien connu, puisqu’il a exercé son ministère presbytéral dans cette église pendant plusieurs années. Tchécoslovaque d’origine, Petr, né en 1941, a ainsi achevé un parcours tourmenté, mais riche de ses engagements multiples et féconds. Entré dans la Compagnie de Jésus en Autriche en 1968, ordonné prêtre en 1975 après des études en Allemagne, il ne put retourner dans son pays alors sous le joug de la dictature communiste, mais il a trouvé finalement refuge en France, où il multiplia les initiatives pour venir en aide à ses compatriotes qui avaient fui leur pays pour éviter les geôles ou les camps communistes. Puis il collabora à Radio Vatican pendant plusieurs années avant de retourner à Prague en 1989. Il estimait en effet qu’il se devait d’œuvrer à la reconstruction intellectuelle et spirituelle de son pays, écrasé par des années pendant lesquelles les chrétiens furent durement et cruellement pourchassés, et le pays tout entier soumis à un régime implacable. Par ses prédications très appréciées, mais aussi par sa collaboration à la Radiodiffusion tchèque, par sa présence également auprès de la communauté francophone, Petr n’a cessé de témoigner d’une foi profonde, vivante, intelligente.

A chacun de nous il appartient de garder un souvenir particulier de cet alpiniste chevronné, toujours disponible, auprès de qui on savait toujours trouver un accueil fraternel. Témoin des tourments de l’Europe centrale qui l’ont douloureusement affecté, il grandit d’autant plus dans la foi au Christ qu’il constatait les dégâts engendrés par un matérialisme cruel et par un athéisme d’État. Mais il constata aussi dans l’exil à quel point son adhésion au Christ et à son message universel lui permettait, quoi qu’exilé et banni de son pays, de trouver partout une patrie comme celle dont il était cruellement éloigné. Dirons-nous que pour lui il n’y avait plus ni Tchèque ni Français, ni Morave (sa terre natale) ni Européen, pour imiter saint Paul, tant il semblait l’un de nous, si habile dans notre langue ? Sans doute, car Petr a vécu l’Église catholique comme sa vraie patrie, celle qui par-delà les frontières nous unit tous dans la vie d’un même Esprit, celle qui nous porte à voir en tout homme et toute femme quelle que soient son origine, sa nationalité, sa couleur, ses qualités ou défauts, un frère et une sœur aimés du Père, appelés à vivre de la vie de Dieu dès ici-bas.

Aussi ce soir, c’est dans l’Action de grâces que nous évoquons sa mémoire. Par lui, le Seigneur nous a tant donné, et il a donné sans doute à beaucoup sans que Petr le sache toujours, en apôtre qui sème la Parole à tout vent, assuré qu’un plus grand que lui la rend féconde et lui fait porter du fruit. Oui nous espérons, dirais-je même, nous ne doutons pas que ce serviteur de la Bonne Nouvelle soit accueilli dans les bras du Père miséricordieux et qu’Il connaît désormais la beauté de ce Royaume où loin des contraintes des royaumes des hommes si souvent inhumains, il n’y a plus ni larme ni souffrance, mais où règne la Communion de tous dans l’étreinte amoureuse des Personnes divines. Merci, Petr, dans l’espérance de nous retrouver tous dans le Royaume du Dieu d’amour. Louange au Dieu qui par toi nous a suggéré son visage miséricordieux et nous l’a fait désirer et aimer.

Paul Valadier sj