13 décembre 2020 – Père Miguel Roland-Gosselin sj

Jn 1, 6-8; 19-28

« Je tressaille de joie », chante le prophète Isaïe. Et pour cause ! Il est « envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles et guérir ceux qui ont le cœur brisé… » Puis chante la Vierge Marie dont nous avons repris le Magnificat en guise de psaume : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur. » Enfin saint Paul : « Frères, soyez dans la joie, rendez grâce… » Oui, ce troisième dimanche de l’Avent mérite son nom de Gaudete, « réjouissez-vous ». Apparemment, la joie n’est pas mentionnée dans l’évangile, mais rappelez-vous : Jean Baptiste n’était pas encore né que déjà il « tressaillait d’allégresse » dans le sein d’Élisabeth. Et que dira-t-il de lui, Jean, au moment de s’effacer complètement devant Jésus ? Il dira : je suis « l’ami de l’époux, celui qui entend sa voix. Telle est ma joie : elle est parfaite ».

Décidément, c’est aujourd’hui un jour pour parler de la joie et pour nous mettre à son école. Je tire des Écritures deux leçons.

J’entends d’abord le « Soyez dans la joie » de saint Paul. Cet impératif sonne à mes oreilles comme une ardente invitation. Paul y revient souvent : « En tout temps, je vous le répète, réjouissez-vous » (Ph 4,4). Cela nous déconcerte, quand nous savons les épreuves et le poids de la vie. Pourtant l’invitation demeure, avec douceur et insistance. Elle fut inaugurée au début de l’évangile, quand un ange dit à Marie : « Réjouis-toi ». Et chaque matin l’Église ouvre sa journée en chantant le psaume invitatoire : « Venez, crions de joie pour le Seigneur ! » Il semble qu’entrer dans la joie soit bel et bien une mission chrétienne, une tâche et un apprentissage. Certes, la joie ne se fabrique pas, elle est une grâce qui ne se force pas, mais elle est là qui nous attend, toujours disponible. Vous espérez la joie ? Prenez la peine d’y entrer, le chemin de la joie n’est rien d’autre que la joie, comme le chemin de l’amour n’est rien d’autre que l’amour, comme le chemin de la vie n’est rien d’autre que la vie. Il y faut au point de départ un désir et une confiance. Et si la joie vous est donnée, surtout ne prétendez pas la saisir, qu’elle ne vous retienne pas, car sûrement la vraie joie vous attend plus loin. Ce que je goûte aujourd’hui n’est jamais que l’indice d’une plénitude promise. La joie est toujours devant.

Grand mystère. Mystère de la joie qu’on voit renaître par-delà les épreuves, plus mûre, plus intérieure, venue de Dieu sait où. Mystère de la joie qui se contente parfois de trois fois rien ; voyez les enfants… Le monde prétend nous vendre du bien-être et du bonheur, mais cela n’a rien à voir ; la joie est une grâce et elle ne se vend pas. Nous la demandons, pour nous et pour tous les hommes, avec l’idée qu’un cœur en joie est le plus beau culte rendu au Dieu vivant.

C’était la première leçon, en forme d’invitation et de grâce à demander. La seconde porte sur cette joie particulière qui est celle de l’Avent. « Il vient ». Nous goûtons ici au bonheur de l’attente, et d’attendre quelqu’un. Marie chante le Magnificat, la main posée sur son ventre, et sans doute n’y a-t-il pas de plus belle attente que celle-là : attendre un enfant. Il existe bien des sources de joie, mais la plus rassasiante sera toujours celle qui nous viendra d’un autre qui se présente. L’enfant qui s’annonce, l’amour quand il vient à son heure, ou plus simplement tout autre que nous croisons, dès lors qu’une rencontre est réussie. Si donc il existe un lieu d’exericice de la joie, pour apprendre à l’accueillir et à y progresser, probablement est-il dans l’effort que nous mettrons à être présent aux gens, à regarder leurs visages, à cheminer à leur pas, à nous laisser surprendre par des rencontres. Mieux encore : nous effacer pour que d’autres grandissent, peut-être est-ce, plus que tout, le chemin de la joie. Quant à la « joie parfaite » dont parle Jean Baptiste, elle est une grâce rare : celle d’avoir été visité par Dieu lui-même, d’avoir reconnu le Christ et de s’être effacé au profit de l’évangile. C’est une grâce rare, mais qui s’offre au moindre d’entre nous.

Et un jour viendra le bonheur en plénitude. Avez-vous remarqué comment, au cours de la messe, le prêtre prononce une (unique) fois le mot « bonheur » ? C’est aussitôt après le Notre Père, dans un développement qui nous laisse tendus vers « le bonheur que tu promets, l’avènement de Jésus Christ, notre Sauveur ». Jésus vient, et nous n’oublions pas son ultime promesse : « Je vous ai dit tout cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11).

PRIERE UNIVERSELLE

  • Seigneur, avec Marie qui chante le Magnificat, nous voulons nous associer aujourd’hui à tous ceux et celles qui sont porteurs et contagieux de joie. Nous te rendons grâce pour les mères qui portent un enfant, et pour tous les enfants et jeunes qui grandissent paisiblement. Nous sommes en communion avec les hommes et femmes qui s’engagent dans l’amour. Nous te confions les personnes qui vivent une réconciliation ou des retrouvailles, ou qui s’accordent sur de beaux projets. Pour eux tous, nous te prions.

  • Seigneur, tu souffres avec nous de voir tant de gens éprouvés, parfois à bout de ressources pour vivre heureux. Nous te confions les familles qui traversent l’épreuve du deuil. Également les nombreux malades et ceux qui les assistent. Nous te confions aussi les enfants et jeunes en souffrance, ceux qui peinent à trouver leur voie, ceux qui se perdent dans de fausses joies. Pour toute personne qui appelle consolation, Seigneur nous te prions.

  • Seigneur, nous te confions les fêtes de Noël et du nouvel an. Dans les conditions particulières de cette année, aide-nous à les vivre intelligemment et joyeusement. Qu’elles soient bienfaisantes pour les familles. Qu’elles n’oublient pas la solitude des personnes isolées. Et que ne soient pas oubliés non plus les gens de la rue. Nous t’en prions.

  • Enfin Seigneur, nous te prions pour nos églises et nos paroisses. Que notre communauté, parmi tant d’autres, aide à la prière et à la vie fraternelle. Que du bien y soit distribué, puisé en toi. Nous t’en prions.