Homélie du 27 8e dimanche du temps ordinaire année a Mt 21, 33-43
Chaque dimanche, nous sommes face à un défi : comment actualiser la page d’évangile qui nous est offerte ? Comment actualiser cette parabole bien connue, au moment de notre rentrée à Saint Ignace, au moment du grand synode qui a commencé mercredi ? Je vous propose 5 points de méditation.
Retenons d’abord l’image du maître qui part en voyage en laissant son domaine à ses ouvriers. L’image est classique pour représenter Dieu confiant à son peuple la responsabilité de vivre de son message et d’en faire porter du fruit. C’est Israël, c’est l’Eglise. Au moment de ce synode, nous avons sans doute davantage conscience que l’Eglise nous est confiée. Le fait que pour la première fois, les fidèles laïcs ont droit de vote au synode, montre davantage que le projet du Père est confié à chacun, chacune de nous.
Le maître se retire en confiant la vigne à ses ouvriers, mais il ne s’en désintéresse pas pour autant puisqu’il envoie des serviteurs pour recevoir les fruits de cette vigne en temps voulu. Ce point nous parle aussi du synode, car les délégués de toutes les Eglises sont là pour rendre compte au Pape de la vigne qui leur a été confiée. Le synode durant 4 semaines, on peut dire aussi que le Pape aura aussi à rendre compte au peuple de Dieu de la charge qui lui a été confiée et du fruit qui en découle.
À propos de la malhonnêteté des vignerons, de leur violence, du fait qu’ils s’approprient la vigne avec les peurs, les jalousies plus ou moins conscientes, qui en résultent. Comment interpréter ceci ? Peut-être en gardant en mémoire la question qui sous-tend cette violence : au fait, pour qui je travaille ? pourquoi je fais partie de l’Eglise ? Pour qui est mon Eglise ? Je me rappelle à ce propos d’une sœur irlandaise rencontrée il y a quelques années. Elle était envoyée par son évêque pour visiter les communautés, les paroisses. Elle nous disait qu’à chaque fois qu’il y avait un problème, quand la communauté vivotait, quand il y avait des tensions internes, elle s’apercevait qu’on avait oublié pour qui on travaillait. Les gens pensaient qu’ils travaillaient pour leur communauté, pour leur Eglise, pour eux-mêmes. Tandis que lorsqu’elle visitait des communautés, des paroisses qui se portaient bien, dont la vie était fluide, dynamique, ces personnes ne travaillaient pas pour eux-mêmes, mais toujours en vue du dehors, de la mission. Et nous, pour qui nous travaillons ? Nous sommes là bien sûr pour nous-mêmes, pour la gloire de Dieu, mais nous sommes aussi là, au nom des autres, au nom de ce qui nous rejoindront un jour, ou qui ne nous rejoindrons pas.
4e point, à propos de la patience. Il y a une folie dans l’attitude du maître qui envoie régulièrement les serviteurs vers les ouvriers pourtant si menaçants. Il envoie même son fils, pensant qu’ils reviendront à la raison. Cette patience inouïe rappelle les 2 grands axes de notre vie spirituelle : tout d’abord le désir d’avancer, de progresser, de grandir, ce que Saint Ignace appelle le magis, le davantage. Non pas le toujours plus, mais le toujours mieux, en se laissant prendre dans la dynamique de l’Esprit. Mais le 2e axe a plutôt rapport à la patience : la patience envers nous-mêmes tout d’abord. Puis la patience envers Dieu. Cela semble peut-être énorme de parler ainsi, mais nous réalisons Lui et nous, que nous ne vivons pas au même rythme. Parfois, nous le voyons dans les psaumes, nous aimerions qu’Il bouscule plus vite les choses. Il y a enfin une 3e sorte de patience, spécialement durant ce temps de synode : une certaine patience envers notre Eglise.
Le dernier point avec lequel nous conclurons concerne la pierre d’angle, cette citation que Jésus fait du psaume 117- 118. Au mois d’août dernier, je me trouvais dans un village près de la communauté de taizé où un artisan refaisait les murs en pierres sèche. Il avait ses pierres dans la brouette. Il fallait le voir les prendre une par une dans sa main, la regarder attentivement pour voir sous quel angle elle irait s’emboîter au mieux avec les autres pierres dans ce muret. Je ne l’ai pas vu mais je m’imagine le moment où il s’est trouvé avec une pierre complètement incompatible avec toutes les formes que requiert le mur. Je l’imagine la lançant au loin, cette pierre devenue inutile, en prenant garde de ne pas la confondre avec les autres.
Cette image est sans doute l’une des plus fortes du premier Testament. Sans doute la plus forte. La pierre rejetée par les maçons parce qu’elle ne vaut rien et qu’elle encombre le chantier, Dieu en a fait la Pierre d’angle, la pierre maîtresse, sur qui toutes les autres pierres vont reposer. Jésus a dû souvent méditer cette image du psaume 117, elle l’a certainement aidé pour comprendre et accepter sa vie, lui qui a été rejetée hors de la vigne. Il paraît qu’une science nouvelle est apparue il y a quelques années : la rudologie qui étudie une société à partir de la composition de ces déchets. En rudologie, nous réaliserions ainsi que notre religion, notre Eglise, a été fondée sur quelqu’un qui a été rejeté j’ose le dire en tremblant : à partir de quelqu’un qui a été identifié à un déchet. C’est très troublant d’avoir été fondé ainsi. C’est toujours très troublant d’avoir la croix comme symbole de rassemblement. Certes, ce symbole peut se comprendre, avec l’axe vertical qui croise l’axe horizontal, comme un symbole d’unité, mais cette croix nous rappelle sans cesse que nous ne pourrons jamais nous habituer à l’événement de Jésus, celui qui a été rejeté mais que Dieu a transformé en Pierre d’angle de l’histoire de l’humanité. Cette image si forte maintient notre foi vivante. Qu’elle la maintienne ardente au moment où l’Eglise est entrée en synode, au moment où notre Eglise fait sa rentrée.
PRIERE UNIVERSELLE DIMANCHE 8 OCTOBRE – 17ème DIMANCHE TOA
(PDT) Reprenant quelques mots du pape François en ce début de synode, nous te prions, Père : envoie spécialement l’Esprit de ton Fils Jésus sur notre église :
Refrain à l’Esprit Saint
(lire lentement !)
Fais de notre Eglise une assemblée qui ne se décourage pas, qui ne cherche pas d’échappatoires idéologiques, qui ne se barricade pas derrière des convictions acquises, qui ne cède pas aux solutions faciles, qui ne se laisse pas dicter son agenda par le monde. Envoie ton Esprit Saint
Fais de notre Eglise une assemblée unie, fraternelle, qui écoute et dialogue; qui bénit et encourage, qui accompagne ceux qui cherchent le Seigneur, qui secoue avec bienveillance les indifférents; qui initie les personnes à la beauté de la foi. Envoie ton Esprit Saint
Fais de notre Eglise une assemblée hospitalière, à l’attitude intérieure cordiale et douce, dans cette époque complexe où de nouveaux défis culturels et pastoraux apparaissent. Que l’Esprit revienne briser nos attentes pour créer quelque chose de nouveau qui dépasse nos prédictions et notre négativité. Envoie ton Esprit Saint.
(PDT) Oui, Père que ton Esprit vienne redonner souffle à notre assemblée de St Ignace, à toute l’Eglise réunie comme au Cénacle. Nous t’ en prions, en Jésus le Christ …