histoire

L’église des jésuites à Paris

Cette église s’est d’abord appelée « église de l’Immaculée Conception ». On l’appelait aussi simplement « église de la rue de Sèvres ». A partir des années 1920, elle devient l’ « église des étrangers », et à partir de 1961, l’ « église Saint-Ignace ». Elle a toujours été l’église des jésuites à Paris, même si, à la fin du XIX° siècle et au début du XX° siècle, les jésuites ont dû quitter les lieux à plusieurs reprises, chassés par le gouvernement.

 

1773-1814 : Suppression de la Compagnie de Jésus

La Compagnie de Jésus avait été bannie de France par Louis XV et supprimée par le pape en 1773. Mais l’impératrice Catherine II n’applique pas ce décret de suppression, et beaucoup de jésuites sont restés en Russie ou s’y sont réfugiés. Ils constituent ensuite l’embryon du groupe qui reconstitue la Compagnie : en 1814 la Compagnie est rétablie par le pape Pie VII.
Les premiers jésuites qui reviennent en 1814 ne peuvent pas retourner dans leurs communautés : ces lieux ont été vendus, repris par l’Eglise… Le lieu situé rue Saint-Antoine est devenu le lycée Charlemagne, et l’église de l’ancienne Compagnie, très célèbre du temps des grands prédicateurs comme Bourdaloue, est désormais une église diocésaine, l’église Saint- Paul. Il n’est donc pas possible de retourner là-bas.

1821-1858 : Les jésuites rue de Sèvres

Les premiers jésuites s’installent donc en 1821 rue de Sèvres. Ils achètent à Nicolas Jourdain, marchand de vin, les maisons des 33 et 35, avec des jardins qui s’étendent jusqu’à la prison du Cherche-Midi (aujourd’hui maison des sciences de l’homme).
En 1830, a lieu la révolution de Juillet. Les jésuites quittent les lieux et se dispersent. Ils reviennent en 1847 et acquièrent les n° 37, 39, 41, 43 de la rue de Sèvres. Ils construisent des bâtiments autour d’une cour centrale, avec l’église et ce qui deviendra le Centre Sèvres.

1858-1870 : L’église de l’Immaculée Conception

Dès le début, l’église est cachée par les bâtiments sur la rue, qui ne seront démolis qu’en 1971. La première pierre de l’église est posée le 17 octobre 1855. La construction est financée par des donateurs généreux, dont Napoléon III. L’église est achevée en 1858.
Le Père Tournesac, jésuite, architecte, a fait les plans et suit la mode néogothique. Une seule nef pour faciliter la prédication, avec des petites chapelles. Longueur de l’église : 50 m, largeur : 23 m, hauteur : 27 m, avec une surface de plus de 1000 m².
Pendant la première période, l’église connaît un grand rayonnement. Elle bénéficie de prédicateurs renommés, accueille un public nombreux. Elle organise de belles célébrations, et des groupes naissent autour de l’église. Les congrégations retrouvent un élan important pendant cette période, en lien avec les activités professionnelles (ex : conférence Laënnec).
On y donne des retraites, mais les demandes deviennent très nombreuses, et on décide la construction de la Villa Manrèse en 1876 à Clamart, qui va servir aussi pour les prêtres du diocèse de Paris qui cherchent une direction spirituelle.

1870-1923 : La tourmente

Vient alors une grande période de tourmente. En 1870-71, c’est l’époque de la guerre franco-allemande, du siège de Paris et de l’insurrection de la Commune (18 mars–28 mai 1871). Cinq jésuites sont arrêtés et exécutés à la fin de l’insurrection, dont le Père Olivaint, le supérieur. Leurs corps sont ramenés à l’église où ils sont enterrés (chapelle des martyrs japonais).
Les difficultés continuent ensuite : les jésuites sont victimes de mesures discriminatoires du pouvoir anticlérical : décrets Ferry de 1880 qui obligent les jésuites à se disperser. L’église est fermée, louée à un marchand de pianos qui en fait son entrepôt. Six ans après, ce sont les lois Waldeck-Rousseau contre les congrégations. Les jésuites sont une nouvelle fois expulsés de France, et l’église est fermée pendant 22 ans.
La Première Guerre mondiale arrange un peu les relations entre l’Eglise et le gouvernement. Beaucoup de jésuites reviennent en France pour défendre la patrie. Mais on ne rend pas tout de suite les biens aux congrégations.
En 1918, l’administration des domaines affecte cette église à l’œuvre des églises dévastées, œuvre chargée de recueillir les objets, les statues… pris par les Allemands et restitués, en vue de restaurer les paroisses détruites pendant la guerre. L’église est alors un entrepôt pour tous ces objets.

1923-1950 : L’église des étrangers

En 1923, les choses évoluent. L’archevêque de Paris, le cardinal Dubois, obtient que l’église soit affectée au culte pour les différentes communautés étrangères de Paris. Il demande aux jésuites de s’occuper de cette mission.
L’église devient alors l’église des étrangers. Il faut d’abord la remettre en état. On y célèbre la messe dans de nombreuses langues (allemand, roumain, hongrois, italien, tchèque…), mais aussi en français. L’église accueille beaucoup de monde. Mais elle reste la propriété de l’Etat.
En 1938, les jésuites rentrent en possession d’une partie de leurs biens en les rachetant, à condition de conserver les locataires qui y résident (parmi lesquels Le Corbusier).
La Seconde Guerre mondiale et l’Occupation n’arrêtent pas les activités de l’église, même si certains jésuites ont été arrêtés par les Allemands et envoyés en camps.
Après la Seconde Guerre, la situation évolue. Les colonies étrangères ont leurs propres paroisses autonomes, il y a donc moins de besoins pour des messes en langue étrangère. Mais les gens du quartier reviennent.

1950-1974. L’église Saint-Ignace

A partir de 1950, l’église devient un lieu d’innovation liturgique. En 1953 sont introduites en semaine des messes du soir face au peuple, avec les lectures en français et les intentions de prières rédigées par les fidèles. Se pose alors la question : L’église deviendra-t-elle une paroisse ? Après réflexions, elle reste la chapelle des jésuites, ouverte au public, sur le territoire de la Paroisse Saint-Sulpice.
Dans les années 1950, on assiste à un grand mouvement de créativité apostolique dans la famille ignacienne. Certaines choses avaient été figées par le passé. Le Père Giuliani lance la revue « Christus » en 1953. Cette même année, les congrégations mariales deviennent les communautés CVX. Les laïcs découvrent la spiritualité ignacienne à travers les Exercices Spirituels. Cela pousse les jésuites à donner à l’église le nom de Saint-Ignace après l’accord de Rome le 6 décembre 1961.
Ce renouveau liturgique continue dans les années 1960. Le Père Joseph Gélineau, musicien, est un grand artisan de ce renouveau avec les liturgies en français. Il faut créer un nouveau répertoire liturgique en français : chants, hymnes, mélodies nouvelles… Il est aidé en cela par Jacques Berthier, compositeur et organiste, et le Père Didier Rimaud.

1974. Le Centre Sèvres

En 1971-1972, faute de pouvoir les rénover, on décide de détruire les anciens bâtiments de la résidence jésuite. La façade est vendue par appartements pour financer les travaux.
A l’époque, la formation des jésuites se fait en deux lieux : à Chantilly pour la philosophie où se trouve une grande propriété, et à Lyon-Fourvière pour la théologie. Les formations sont réunies en un seul lieu, ouvert non seulement aux jésuites, mais aussi aux autres congrégations et aux laïcs qui ont envie de se former à la théologie : c’est le Centre Sèvres qui ouvre ses portes en 1974.

Avec les années suivantes, l’église connaît une grande animation, avec différentes propositions comme par exemple la « Mini-Hosanna ».

2001. Un nouvel espace liturgique

La dernière étape a été le nouvel aménagement liturgique en 2001. Une des visées centrales de la réforme liturgique de Vatican II était de développer la participation des fidèles, en diminuant la distance entre l’autel, la présidence et les fidèles, et de signifier davantage que c’est toute la communauté chrétienne qui célèbre l’Eucharistie, présidée par un prêtre. Un autre point était mis en avant : redécouvrir que pour l’Eucharistie, la participation des fidèles est organisée autour de deux tables : celle de la Parole avec l’ambon, et celle de l’Eucharistique avec l’autel. Il y a un lien très fort entre les deux. Il faut donc que la majorité des personnes soit proche de ces deux tables et voit le lien entre être nourri de la Parole, et être nourri du corps et du sang du Christ. Les choses se sont peu à peu mises en place. Cela a correspondu à la proposition de la « Messe qui prend son temps ». Cet aménagement liturgique fait qu’on sent davantage la communauté lorsqu’on préside l’eucharistie. Cela aide à « faire communauté ». (Pour plus d’infos sur l’aménagement, cliquez ici)

L’histoire continue. C’est une joie que l’église de la Compagnie, où se passent les grands événements (premiers vœux, ordinations, obsèques, venue du Père Général…) soit aussi celle de la famille ignatienne et la vôtre. Souvenons-nous que beaucoup d’autres personnes avant nous sont venues ici pour chercher et se rapprocher du Seigneur. Continuons à faire vivre ce lieu de foi.

Pour en savoir plus :

Guide de l’église St-Ignace, aux Éditions Mediasèvres
En vente au stand de presse de l’église St-Ignace dans le narthex et au Centre Sèvres.

 

REPÈRES CHRONOLOGIQUES DE L’HISTOIRE DE L’ÉGLISE ST-IGNACE

17 octobre 1855 : Pose de la première pierre de la construction de l’église Saint-Ignace

1er janvier 1858 : Inauguration de l’église Saint-Ignace.

24-26 mai 1871 : Pendant l’épisode de la Commune, les Pères jésuites Ducoudray, de Bengy, Clerc, Olivaint et Caubert sont exécutés.

29 juin 1880 : Suite aux décrets Ferry, des scellés sont apposés sur la porte, et les prêtres sont expulsés.Juillet 1884Réouverture progressive de l’église.

1890 : Reprise entière de l’occupation de l’église et des bâtiments autour.

29 septembre 1901 : Suite aux lois Waldeck-Rousseau, l’église est fermée et les jésuites dispersés.

14 novembre 1923 : Une première messe est célébrée.

1924- 1951 : Le service reprend de façon régulière et l’église s’appelle désormais « l’église des étrangers », avec des messes en langues étrangères.

1961 : L’église devient « La chapelle Saint-Ignace » rattachée à la paroisse Saint-Sulpice.

1972 : Destruction des anciens bâtiments autour de l’église pour construire le Centre Sèvres et les locaux de la Communauté jésuite.

3 décembre 1974 : Un incendie ravage la bibliothèque en construction au-dessus de l’église détruisant ou endommageant plusieurs milliers de volumes encore en caisses.

2001 : Réaménagement de l’espace liturgique.

2012 : Dernière restauration de l’orgue.