Vendredi 1er janvier, Homélie du Père Etienne Grieu
Je relève simplement à propos de cette page d’Evangile un contraste :
D’un côté, on lit « tout ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers ».
De fait il y a de quoi s’étonner. Car les bergers, d’après l’évangéliste Luc, ont vu l’ange du Seigneur et ont entendu l’armée céleste tout entière chanter les louanges de Dieu ; et puis, ils ont reçu ce message, cette bonne nouvelle de la naissance d’un sauveur, d’un Messie, grande joie pour tout le peuple.
Cela fait beaucoup de choses extraordinaires. Et ce qui est le plus extraordinaire encore, sans doute, pour ces auditeurs, c’est que tout cela ait été annoncé à des bergers. Les bergers étaient considérés, à cause de leur mode de vie, comme des personnes peu fiables. Leur témoignage n’était pas considéré comme valable et, par exemple, il ne pouvait pas être pris en compte dans un procès. Ce devait être le genre de personnes chez qui on se demande tout le temps, quand ils parlent, si l’on peut les croire ou s’ils sont en train de nous raconter des carabistouilles.
Il y a donc sans doute tout cela derrière cette expression « ils s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers » ; on peut imaginer une curiosité avec un brin de scepticisme.
Finalement, cette attitude est une manière d’accueillir ce qui nous arrive : on regarde, on s’intéresse, on peut aller jusqu’à examiner, mais ne fait pas entrer. On met cela dans un coin, sur le côté, en attendant des confirmations. Et si les confirmations ne viennent pas, eh bien, on ira jeter tout cela aux dépôt des illusions sans valeur. On peut vivre toute sa vie sur ce mode là ; et c’est sans doute une manière de n’être pas trop affecté par ce qui se passe.
En contraste avec cette manière d’accueillir, le texte dit à propos de Marie : « Cependant, elle retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur ».
Par rapport à l’attitude précédente, je vois trois différences :
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Elle retient ces événements ; on pourrait dire, elle les fait entrer chez elle. Elle accepte qu’ils soient amenés jusqu’en ce lieu qui fait le cœur de son existence, le cœur de son être. Autrement dit, elle se laisse toucher par ce qui lui arrive, et en profondeur.
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Et puis, le texte ajoute : « elle les méditait dans son cœur ». Je vois là un accueil actif, pas seulement passif : méditer suppose de s’interroger, de mettre en relation, et puis, surtout de demeurer sur ce qui est arrivé, de ne pas tout de suite passer à autre chose, pour laisser se déployer le sens de ce qui s’est passé.
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Et la 3e différence, c’est qu’en accueillant les choses ainsi, c’est la parole des bergers que Marie accueille et c’est aussi les bergers eux-mêmes. Ici commence le travail de réconciliation qui sera celui du Christ, qui fait de nous des fils du Père, comme on l’a entendu dans la 2e lecture, et qui, nous redonne les uns aux autres comme frères, comme sœurs.
Aujourd’hui, nous pouvons demander au Seigneur d’accueillir tout ce qui nous arrivera dans cette nouvelle année comme Marie l’a fait : en nous laissant toucher en profondeur, en étant disposés à entendre ce qui nous est dit, à partir de là ; et peut-être y a-t-il là tel ou tel rendez-vous que Dieu nous donne. Et en même temps, ce sont aussi nos frères, nos sœurs, que nous redécouvrons.