2-3 janvier 2021 – Père Miguel Roland-Gosselin

Nous aimons bien ces trois « mages venus d’Orient », prétendument appelés Melchior, Gaspard et Balthasar, et prétendument rois. En vérité nous ne savons rien d’eux, sinon que l’évangile les appelle des « mages venus d’Orient ». Des mages, autrement dit des savants qui scrutent les étoiles, à l’affût du mystère du fond des choses. Ils sont originaires d’Orient, du côté où le soleil se lève ; ils symbolisent l’humanité pressée de comprendre, la première à se dresser pour saisir la vérité. En somme, ces trois personnages de la crèche évoquent la multitude des chercheurs de sens, tous les hommes et femmes de bonne volonté qui sont en quête de la vérité. Ils sont l’humanité tendue vers son salut.

Les mages viennent de loin, d’un tout autre monde. Le prophète Isaïe, ils ne le connaissent pas, ils ne scrutent pas les Écritures. Voilà une observation intéressante. Ainsi donc, se pourrait-il qu’en dehors de tout contexte biblique, et aujourd’hui en dehors du christianisme, l’intelligence humaine soit capable de se mettre en route sur un chemin qui conduit vers Jésus ? Oui, semble-t-il ; toutes les quêtes honnêtes, et la recherche scientifique, et les religions étrangères, tout ce par quoi un homme cherche la vérité, cela l’oriente déjà vers le Christ, et il pourra s’en approcher de très près. Pour autant, la quête n’ira pas jusqu’au bout ; les mages ne pourront pas faire l’impasse sur la Révélation. L’étoile les a conduits jusqu’à Jérusalem, jusqu’au peuple des Saintes Écritures, et il faut maintenant ouvrir le Livre. Belle humilité des rois-mages qui s’inclinent vers le peuple d’Israël, fût-il représenté par un roi Hérode misérable. Aujourd’hui l’Église, aussi indigne qu’elle puisse être, est en charge de l’Évangile et à ce titre indispensable au salut du monde.

Comme ils sont heureux, les rois-mages de la crèche ! Enfin ils arrivent au but. Sur le visage de Jésus se dévoile le « mystère caché depuis la fondation du monde ». Je vous interroge : quel est-il, ce mystère ? Quelle est l’ultime vérité que tout homme aspire à connaître, cette révélation vers laquelle sont tendus tous les cœurs humains, celle qui – croyons-nous – se révèle en Jésus-Christ ? Nous pourrions répondre de plusieurs façons, dire par exemple : c’est le mystère de l’Incarnation (Dieu nous rejoint dans l’humanité), ou le mystère de la Trinité (Dieu est en lui-même une relation d’amour), ou le mystère du Salut (le Christ en croix nous a libérés du péché et de la mort), etc. Tout cela est vrai, tout cela dit le meilleur que l’homme puisse apprendre sur lui-même et sur Dieu. Aujourd’hui, avec saint Paul dans la deuxième lecture, nous dirons : « Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse… » Voilà la bonne nouvelle de l’Épiphanie. Nous sommes tous fils, tous frères, tous héritiers, tous « un seul corps ». Tous, à savoir : les juifs et les païens, le terreau biblique et l’immensité du monde humain en quête de salut.

Depuis la nuit des temps, l’humanité peine à devenir fraternelle ; nous sommes divisés entre les peuples et divisés dans nos propres cœurs. Pourtant le fond de notre être est une promesse d’unité. La Bible entière raconte la longue et difficile gestation de la fraternité humaine, symbolisée en particulier par la rencontre des juifs et des païens. Mais qui achèvera de nous révéler que nous sommes faits pour n’être qu’un ? Qui nous conduira à cette vérité toute simple, que nous sommes avant tout des hommes, aimés de Dieu, hommes et femmes tout simplement, voués à l’unité et à la paix ? Cette vérité-là, nous la réapprenons sans cesse sur le visage des nouveau-nés. Je regarde un tout petit enfant, et je suis ramené à ma simplicité foncière et à l’urgence d’établir entre nous l’unité.

Dieu s’est fait petit enfant. Ce Dieu-là ne nous forcera en rien, il n’établira pas de force entre nous l’unité fraternelle. Fragile et démuni, petit visage babillant, il nous adresse pourtant un appel formidable. Comme tous les nouveau-nés, il nous appelle à naître, à naître enfin à une humanité plus belle. Mais sur le visage de Jésus, l’appel vient de plus loin, d’infiniment plus loin. Déjà nous entrevoyons ce que nous connaîtrons bientôt : cet enfant est Dieu né de Dieu. Il vient nous introduire dans une humanité renouvelée, aimante, victorieuse du péché et de la mort. Les mages d’Orient, avec leur grand désir, se sont mis en route pour l’accueillir. Avec eux nous nous prosternons en silence et offrons nos présents : l’or des rois, pour qu’il sache que nous lui donnerons le meilleur de nous-mêmes ; la myrrhe de l’ensevelissement en promettant de l’accompagner jusqu’au bout sur son chemin d’humilité ; et l’encens, pour qu’il sache notre désir d’élever avec lui notre existence dans la prière et la sainteté.

Frères et sœurs, une nouvelle année commence, et de grands défis nous attendent. Ouvrons les yeux vers les étoiles, chacun selon sa science, tous avec un grand désir. Il suffit de peu de choses pour se mettre en route. Certains, comme Hérode et ses grands-prêtres avaient le salut à portée de main et sont restés immobiles, enfermés dans leur méchante peur et leur jalousie. Laissons plutôt parler ce qu’il y a de meilleur en nous, fût-ce une petite étoile de rien du tout. Elle ne nous lâchera pas, elle nous conduira jusqu’au but, et nous y trouverons une grande joie.

Prière Universelle

Président : Avec les mages qui viennent de loin et remplis de confiance devant l’Enfant Jésus, nous formulons ensemble une prière universelle.

  • Seigneur Jésus, en cette fête de l’Épiphanie nous te présentons l’humanité immense en attente de salut. Nous te rendons grâce pour la multitude de ceux qui, sans te connaître, cheminent dans la lumière en s’efforçant d’aimer et de progresser dans l’existence. Et nous te confions tous ceux qui peinent à avancer, ceux qui ne voient pas de sens à leur vie, ceux qui souffrent dans la nuit. Pour tous, nous te prions.

  • Seigneur Jésus, nous te présentons ton Église, avec son or, son encens et sa myrrhe. Tu lui as révélé ton visage pour qu’elle en porte témoignage sur toute la surface de la terre. Rends-la fidèle dans sa prière, digne dans son témoignage, juste dans sa parole, afin que se répande ton évangile. Nous t’en prions.

  • Seigneur, puisque l’année 2021 s’ouvre sur un chantier planétaire exceptionnel, nous te le présentons avec insistance : aide-nous à gérer cette crise sanitaire avec cœur et intelligence. Vois les souffrances qu’il faudra encore supporter et les efforts qui continuent à se déployer. Aide-nous à soigner, réparer, consoler. Aide-nous à sortir de cette épreuve personnellement et collectivement changés, grandis et mieux unis peut-être. Nous t’en prions.

  • Et Seigneur, devant la Sainte-Famille encore exposée dans les crèches, devant le visage de l’Enfant sauveur, nous te confions à nouveau les familles, la joie des enfants, de leurs parents et grands-parents. Que ce bonheur soit solide et contagieux, distribué à toutes les personnes isolées et solitaires. Nous t’en prions.